mercredi 26 novembre 2014

LES MENINES, de Diego Velasquez

Les Ménines, Diego Velasquez, 1656
Huile sur toile, 3m x 2.75m, Musée du Prado, Espagne

I. Présentation
1) L’œuvre
Les Ménines (aussi connu sous le nom de Las Meninas ou La Famille de Philippe IV) est un tableau peint par Diego Velasquez en 1656. Il représente l’Infante Marguerite-Thérèse, entourée de deux ménines (ses demoiselles d’honneur) et de divers autres personnes. Le tableau est exposé au Musée du Prado. Il est endommagé lors d’un incendie en 1734, mais il est restauré peu de temps après.

2) Contexte
Lorsque le tableau est peint, l’Infante est la seule héritière au trône d’Espagne ; à cette époque, toute la partie gauche du tableau était cachée par un grand rideau rouge. Un garçon tendait un bâton de commandement à Marguerite-Thérèse, faisant de ce tableau une scène symbolique en représentant la passation de pouvoir à l’enfant sous les yeux des parents (visibles dans un miroir au fond de la salle).
Cependant, l’année 1657 amène un nouvel héritier mâle au trône d’Espagne, d’autant plus que l’enfant ne meurt pas prématurément. Ainsi, sous les ordres de Philippe IV, Diego Velasquez est amené à remplacé le bâton de commandement : il se représente donc lui-même en train de peindre le couple royal, que l’on peut toujours voire reflété dans le miroir.

II. Description et analyse
1) La structure du tableau
Le tableau est divisé en quarts de manière horizontale. Si les personnages sont nombreux, ils n’occupent cependant que la moitié inférieure du tableau. Les personnages sont représentés en perpective : il n’y a qu’un seul point de fuite. On peut compter sept zones de profondeur dans le tableau. La lumière provient de la droite, et éclaire l’Infante, permettant ainsi d’en faire le personnage principal du tableau.
A l’arrière-plan, on peut observer les réflexions du Roi et de la Reine dans un miroir. Il pourrait s’agir, d’une part, de la réflexion du tableau qu’est en train de peindre Velasquez, ou bien, d’autre part, du Roi et de la Reine eux-mêmes qui posent pour Velasquez. Dans tous les cas, leur présence donne un aspect solennel au tableau ; ils se contentent de contempler la scène, tout comme le spectateur.

2) Les personnages
a) L’Infante et ses Ménines


Ces trois personnages là sont les plus éclairés du tableau, la lumière les visant directement. Cependant, même si la lumière vient frapper la joue de la ménine de droite, son visage et ses vêtements restent sombres, au contraire de l’Infante qui semble renvoyer la lumière. Elle est donc bien le personnage principal, mis en évidence par le jeu de luminosité. Les deux ménines, quant à elles, semblent se réfléchirent l’une et l’autre.

b) Le nain, la naine et le chien

Ces trois personnages là forment un groupe sans grande importance dans le tableau. A l’époque, les nains étaient utilisés pour divertir les nobles, comme ici pour la famille royale. Leurs visages et habits restent flous et sombres.





c) Le peintre



Diego Velasquez s’est donc représenté lui-même lors de la modification engendrée par la naissance d’un nouvel héritier. Il porte sur son torse la croix rouge caractéristique de l’ordre de Santiago, qu’il ne recevra pourtant qu’en 1959, soit trois ans après l’achèvement du tableau. Elle aurait donc été rajoutée après coup, peut être même par quelqu’un annexe après la mort du peintre. Velasquez, ainsi que la naine, fixent tous les deux le Roi et la Reine, ou bien le spectateur, créant une sorte de tension visuelle.




d) La chaperonne et le garde

En cinquième zone de profondeur, on retrouve une chaperonne et un garde. Ils représenteraient à eux deux les alter-ego du Roi et de la Reine, comme les deux ménines qui se réfléchissent. Ils occupent en effet les mêmes fonctions que les souverains : veiller et protéger l’Infante. Leurs visages sont sombres et peu éclairés.

e) Nieto Velasquez



En septième zone de profondeur se trouve un homme. Il est bien rendu visible à cause du contraste entre ses habits noirs et la lumière derrière lui, mais son visage est incertain, flou, trop sombre. Cet homme paradoxal, à la fois visible et caché, serait un parent de Diego Velasquez. Il tient dans sa main une poignée de porte, et montre derrière lui une pièce vide.





III. Liens
1) Las Meninas, de Pablo Picasso

Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne
Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne

Las meninas est une série de 58 tableaux peints par Pablo Picasso en 1957, soit 300 ans après l’œuvre originale. Il interprète alors le tableau de beaucoup de manières différentes, jouant sur les décompositions des faces. Picasso était connu pour être un admirateur de Velasquez ; il légua d'ailleurs l'intégralité de ses peintures au Musée de Barcelone.
Dans les tableaux, les couleurs sont tour-à-tour variées ou bien monochromes.

2) Les Epoux Arnolfini, de Jan Van Eyck

Les Epoux Arnolfini, 1434, Jan Van Eyck
Huile sur chêne, 82cm x 60cm, National Galery, Londres, Angleterre

Il est très probable que Velasquez se soit inspiré de ce tableau, tout particulièrement en ce qui concerne le miroir rond placé à l’arrière du tableau. Dedans y sont reflétés les deux époux et le peintre, qui ne peint pas mais fait office de témoin dans ce mariage des époux Arnolfini.
Le tableau est d’ailleurs remplis de symboles autour du thème du mariage : le chien pour la fidélité, le fruit pour le péché originel ; le lustre, dont une seule bougie est allumée, est symboliquement la présence divine.
De plus, il semblerait que le tableau ait longtemps été accroché au palais de Philippe IV, notamment durant la période ou Velasquez peignait Les Ménines.

IV. Conclusion

Les Ménines est considéré comme un chef-d’œuvre de la peinture espagnole ; aujourd’hui, Diego Velasquez en est un des principaux représentants. Il est toujours considéré comme l’un des maîtres de la peinture universelle.

dimanche 2 novembre 2014

HORS-SÉRIE : NIKI DE SAINT PHALLE



I. Biographie succinte
1) Des débuts peu communs
Nana, Niki de Saint Phalle, sculpture.
Niki de Saint Phalle est une sculptrice, peintre, plasticienne et réalisatrice française née le 29 octobre 1930 et morte le 21 mai 2002 à l’âge de 71 ans.
Elle n’a jamais suivi de formations ni d’apprentissages artistiques. S’inspirant de plusieurs courants de peinture, elle commence à peindre en 1952 selon ses propres méthodes et son propre point de vue. Elle est, durant cette période, enfermée dans un hôpital psychiatrique suite à une grave dépression. Elle dira elle-même : «J’ai commencé à peindre chez les fous.»
Niki est particulièrement connue pour ses séries de tableaux Tirs, et ses sculptures monumentales Nana.

2) Un nouveau courant artistique

Dès 1961, elle rejoint le mouvement du Nouveau Réalisme, fondé par Yves Klein en 1960. Ce mouvement est considéré comme une version française du Pop Art américain, et met en avant le retour à la réalité et l’objet comme matériau, à l’instar des ready-made de Marcel Duchamp.

II. La peinture et les créations plastiques
1) Tir à la carabine
C’est sa manière peu particulière de peindre qui a permis à Niki de se faire connaître dès 1960. Elle suivait toujours le même rituel, parfois accompagnée d’autres artistes.
Pour réaliser son œuvre, elle plaçait dans un endroit abandonné, un terrain vague, au fond d’une cour, une toile peinte en blanc à laquelle était accroché des poches pleines de peinture, de shampoing, ou d’autres substances du même genre. A une certaine distance, et souvent habillée de blanc, elle tirait à la carabine sur les sacs, de manière à ce que les substances se déversent sur la toile.


Peinture au fusil par Niki de Saint Phalle


Elle dira elle-même qu’elle s’imaginait la peinture en train de couler comme du sang coulerait d’un homme blessé. Elle ne tirait par sur une toile, mais sur le Mal. C’était un meurtre sans victime et son geste, aux premiers abords destructeur, devenait créateur.

2) Une enfance marquée
Si elle utilisait cette manière aussi particulière de créer, c’était pour se venger de profondes blessures qu’elle avait subies. En effet, c’est seulement à l’âge de soixante-quatre ans, dans son livre parut en 1994 intitulé Mon Secret, qu’elle révèle qu’elle avait été violée par son père à onze ans. En premier lieu, son travail lui permettait de purger toute la colère et la tristesse qu’elle ressentait à l’époque et d’exprimer son indignation face aux injustices faites sur les personnes innocentes.

III. Présentation d'œuvres
1) Portrait of my lover

Portrait of my lover, 1961, Niki de Saint Phalle
Une de ses œuvres les plus connues, Portrait of My Lover, fait partie de sa série de peinture-arts plastiques Tirs. Pour le réaliser, elle a assemblé sur une toile une chemise volée à un amant plutôt insistant dont elle essayait de se débarrasser et, à la place de la tête, une cible où les visiteurs étaient sensés devoir tirer.

2) Autel du chat mort


Autel du chat mort, peinture et sculpture, 1963
Niki de Saint Phalle

Ce qui est très intéressant chez Niki de Saint Phalle, c’est que dans chaque œuvre elle cherchait à créer de nouvelles formes, de nouvelles couleurs, de nouveaux arrangements entre les différents objets qui formait au final son œuvre. Elle ne s'arrêtait de tirer que lorsqu'elle jugeait que le résultat obtenu était beau.

Autel du chat mort est une de ses créations les plus sombres. Elle est faite d'un autel, au centre duquel on trouve la Vierge Marie. La peinture rouge qui a dégouliné fait penser à du sang. Sur une des parois, un chat est accroché. Cette œuvre l'amènera à se poser de grandes questions à propos d’elle-même et de son travail. Ainsi, elle déclarera : «La peinture était la victime, mais QUI était la victime ? Papa ? Tous les hommes ? Les petits hommes ? Les grands hommes ? Les gros hommes ? Les hommes ? Mon frère John ? Ou alors cette peinture, c’était MOI : est-ce que je me tirais dessus selon un rituel qui me permettait de mourir de ma main et de renaître ? J’étais immortelle !... Je tirais sur moi-même, sur la société et ses injustices. Je tirais sur ma propre violence et sur toutes les violences de tous les temps. En tirant sur ma propre violence, je n’avais plus besoin de la porter avec moi comme un poids...»

Elle jugeait donc qu'en tirant sur "elle-même", elle vengeait toutes les autres personnes des injustices qui pouvaient leur avoir été faites.

III. Conclusion
Pour des raisons de santé, elle s’installe définitivement à La Jolla, en Californie. Elle meurt d’insuffisance respiratoire (due aux poussières de polyester qu’elle utilisait pour ses sculptures) à l’hôpital de San Diego, aux Etats-Unis.