jeudi 15 mai 2014

LES DEUX FRIDAS de Frida Kahlo

Problématique pour l'Histoire des Arts : Pourquoi peut-on dire que la souffrance est l'élément essentiel de tableau Les Deux Fridas ?

Les Deux Fridas, Frida Kahlo, 1939
173.5 cm x 173 cm, Huile sur toile, Musée d'Art Moderne, Mexico

I. Présentation
Les Deux Fridas est un des nombreux autoportraits de l’artiste Frida Kahlo, peint en 1939 à la suite de la rupture entre cette dernière et son mari, Diego Rivera. Ce tableau est un double-autoportrait, ce qui est plutôt inhabituel en peinture, puisque l’artiste y est représentée deux fois. Contrairement aux autres oeuvres de l’artiste qui sont essentiellement des autoportraits, celle-ci est plus grande que les autres tableaux (173,5 x 173 cm). Nous sommes ici en présence d’un portrait en pied, c’est à dire que tous les membres des personnages sont visibles. Les deux femmes font la taille d’êtres humains réels.

II. Description et analyse
1. La Frida de gauche
Au premier plan, on peut voir les deux Fridas, qui se tiennent par la main. L’arrière-plan représente un ciel orageux.
La Frida de gauche porte une robe de mariée blanche. Son coeur, visible sur sa poitrine, est ouvert et écorché. Elle tente, à l’aide d’une pince, d’empêcher le sang qui vient d’une de ses veines de couler. Son visage est très pâle, et le sang qui coule se confond avec les motifs fleuris de sa robe ; cela pourrait signifier entre autres que l’artiste cachait ses souffrances.

2. La Frida de droite
De l’autre côté, on retrouve une Frida dans sa robe traditionnelle mexicaine. Elle prône ainsi son appartenance au Mexique, qu’elle aura revendiqué toute sa vie et dont elle est très fière. Les couleurs dominantes sont le bleu du haut de la robe, qui chez elle signifie l’amour et la distance, puis le jaune-verdâtre de la jupe, qui se rapporte à la folie. Ainsi, la robe a elle seule signifierait probablement que l’artiste, devient folle lorsqu’elle son amour, Diego Rivera, est loin d’elle. Cependant, ses jambes écartées sous sa robe et sa moustache très apparente sont le signe ici d’une Frida masculinisée, forte. Son coeur semble en bonne santé, et des veines relient les deux personnages comme si ils étaient dépendants l’un de l’autre.

Dans sa main gauche, on peut remarquer un minuscule portrait : à regarder de plus près, on peut distinguer un portrait miniature de Diego, son amant puis mari, dont elle vient de divorcer. Il est représenté lorsqu’il était jeune. Le portrait est entouré par des veines provenant du coeur de Frida, ce qui pourrait paradoxalement signifier que Frida a besoin de Diego (celui qui lui a littéralement brisé le coeur) pour vivre. Ce n’est pas la première fois que Frida utilise dans ses tableaux des liens, qui semblent lui être douloureux, et dont elle se sert aussi pour exprimer sa souffrance, comme dans Autoportrait au collier d’épines et au colibri.


Autoportrait au collier d’épines et au colibri, Frida Kahlo, 1940
Huile sur toile, 62 cm x 47.6 cm

3. Explications
La Frida de gauche est désespérée d’avoir perdu son grand amour, Diego Rivera. Son coeur saigne. Sa robe blanche témoigne d’une femme mariée ; par déduction, la femme de droite est la femme divorcée, qui supporte l’éloignement avec Diego, qui est forte et qui sait faire face.
L’artiste symbolise ici le rôle vital de son mari dans sa vie, car lorsqu’il n’y a pas de portrait relié à son coeur, le sang de Frida se met à couler.
D’après le journal intime de Frida Kahlo, on sait aujourd’hui qu’elle se représentait parfois une amie imaginaire, une sorte de double d’elle-même qui était tout ce à quoi elle aspirait :  être une femme normale, forte pour son enfant, l’enfant étant ici la Frida de gauche. En effet, elle lui tient la main d’une manière qui laisserait penser qu’elle est à son chevet.

IV. Conclusion
La souffrance est omniprésente dans ce tableau, depuis le coeur écorché au ciel orageux, qui occupe les deux tiers de l’arrière-plan et qui pourrait symboliser le tourment de son esprit. 
De plus, les veines du coeur blessé faisant le tour de ses membres, on peut penser que l’artiste a encore une fois voulu peindre sa souffrance physique.
Dans ce tableau, la douleur est donc aussi bien physique que mentale.

Réponse à la problématique : Chaque élément a ici une signification, qui ramène à chaque fois à la souffrance que subit l’artiste. On peut donc bien dire que la souffrance est l’élément essentiel du tableau Les Deux Fridas.

jeudi 8 mai 2014

AUTOPORTRAIT A LA ROBE DE VELOURS de Frida Kahlo

Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée

I. Présentation
1) Le tableau
Autoportrait à la robe de velours est seulement le deuxième tableau de Frida Kahlo. Peint juste après son accident de bus (qui lui laissera des séquelles terribles), elle le confiera dans un premier temps à Diego Rivera, un célèbre peintre mexicain, qui sera plus tard son amant puis mari.

2) Une vocation
En voyant le tableau, Diego Rivera réalisa tout de suite que la jeune fille avait un don, sinon un talent certain pour la peinture. C’est lui qui la poussera à se lancer dans ce domaine et qui l’encouragera une grande partie de sa vie.

II. Description et analyse
1) Description formelle
Frida s’est peinte ici elle-même, car c’est un autoportrait. Elle s’est représentée avec un grand décolleté, plutôt osé pour une fille de 19 ans à son époque. Même si elle accentue déjà beaucoup ses sourcils, elle paraît très féminine, plus que dans les autres autoportraits qui suivront les années suivantes. La main, dans la partie inférieure du tableau, semble inviter le spectateur à la rejoindre.

2) Pourquoi Frida aurait peint ce tableau
Avant son accident, Frida et Alejandro Gomez Arias étaient amants. Mais quand elle se retrouve partiellement et temporairement paralysée, il se détourne d’elle. Ce tableau avait pour but premier de le faire revenir, en lui montrant combien elle tenait à lui et en lui disant qu’elle l’aimait encore.

3) Couleurs
L’arrière-plan très foncé fait ressortir sa peau et surtout son visage. D'après le journal intime de Frida, le bleu signifiait l’amour et la distance. Le rouge avait pour elle un rapport avec le sang. Les couleurs en elles-mêmes indiqueraient que la distance avec son amour la fait souffrir.

III. Liens
1) Portrait d'Anna Zborowska, Modigliani

Portrait d'Anna Zborowska, 1918, Modigliani
Huile sur toile, 55 cm x 35 cm
Galerie Nationale d'Art Moderne, Rome
Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée



























On peut aisément faire le rapprochement entre les deux tableaux ci-dessus. Les deux personnages présentent tous les deux des visages ayant une forme ovale parfaite, deux yeux rapprochés, des décolletés plongeant et surtout, deux cous très allongés, qui étaient d'ailleurs une sorte de marque de fabrique pour Modigliani.

IV. Conclusion
Si Frida peint ce tableau, c'est aussi une forme de cadeau de rupture pour son ancien amant qui ne reviendra pas. Elle se peint belle et mystérieuse, désormais inaccessible. Elle épouse finalement Diego Rivera trois ans plus tard, le 21 août 1929.

lundi 5 mai 2014

LA GUERRE d'Otto Dix

La Guerre, Otto Dix, 1929-1932
Tempera sur bois, 204 x 204 cm (panneau central) et 204 x 102 cm (panneaux latéraux)

I. Présentation
1) Le tableau
La Guerre est un tableau réalisé entre 1929 et 1932 par le peintre Otto Dix et qui parle de la Première Guerre Mondiale. Dans cette œuvre, il peint ce qu’il a pu vivre lors de la Grande Guerre, dans laquelle il s’était engagé en 1914. 

2) Format du tableau
Ce tableau est un polyptyque composé de trois panneaux, c’est à dire un triptyque. Il rappelle les retables de la Renaissances, qui étaient situés dans les églises. C’est une œuvre de grande taille, d'environ 4 mètres par 2.

II. Description des panneaux
1) Le panneau de gauche
Le panneau de gauche représente des soldats qui s’en vont combattre, fusils vers le haut, alors que le jour est à peine en train de se lever. Ils tournent le dos au spectateur. Le roue de charrette arrachée et la brume laissent penser que les soldats sont dans un paysage à la fois détruit et désertique, ravagé par la guerre. Sur le dos, ils portent tout leur matériel de soldat, qui devait peser plus de 30 kilos.

2) Le panneau du milieu
Le panneau du milieu est la représentation des horribles conditions de vie et d’hygiène qui étaient devenues le commun pour les soldats. A droite, on peut voir un amoncellement de cadavres, corps sans vies empilés les uns sur les autres et rongés par les vers. L’homme au sommet de la pile de corps semble agoniser et demander de l’aide en tendant la main pour montrer qu’il est toujours vivant, mais personne ne semble disposé à venir l’aider. Son corps est criblé de balles et couvert de pustules ; un ver de terre lui sort de la bouche, et ses yeux semblent déjà vides de toute vie. 

Au sommet du panneau du milieu, un cadavre empalé sur ce qu’il reste d’un ancien bâtiment, probablement détruit par un obus. Son squelette auquel il manque des membres pointe du doigt le tas de cadavres, comme pour en dénoncer l’atrocité. Un peu en retrait, caché derrière des sacs, on peut voir un soldat portant un masque à gaz enveloppé dans une couverture. Aucune partie de son corps n’est réellement visible. Il aurait tout aussi bien pu être un cadavre. Il regarde le corps agonisant du soldat au sommet de la pile de morts, mais ne semble rien faire pour l’aider. C’est comme si on lui avait retiré son humanité : il ne reste qu’un corps humain insensible. Encore une fois, personne ne regarde le spectateur. Le paysage en arrière-plan est désertique. Le village à gauche est en ruines et le terrain à droite est creusé de trous d’obus.

3) Le panneau de droite
Sur le panneau de droite, le peintre a réalisé un autoportrait de lui-même, et s’est représenté en sauveur d’un soldat blessé à la tête. Il est dans ce tableau le seul personnage à regarder le spectateur dans les yeux ; il le fixe ici de manière intense. Alors que le ciel au-dessus de lui est de couleur noire, Otto Dix semble éclairé par un rayon de lumière, qui fait de lui la partie la plus lumineuse du tableau, comme en signe d’espoir. A ses pieds se trouvent des cadavres et un soldat agonisant. 

4) Le panneau du bas
Le panneau du bas peut aussi être appelé «prédelle». Le peintre y a représenté ce qui ressemble à une tombe, scellée par le haut, et où reposent les soldats morts. Une autre version consisterait à dire que les soldats sont seulement endormis, mais la pâleur presque cadavérique de l’homme au premier plan laisse supposer qu’il est vraiment mort.

II. Couleurs et structure du tableau
1) Couleurs
Les couleurs principales de ce tableau sont le rouge et le marron. Le rouge est ici symbole de violence : il représente tantôt le ciel tourmenté, tantôt les organes des corps déchiquetés par une bombe. C’est une couleur que le peintre a choisie car on l’associe directement au sang et à la mort qui plane en permanence au-dessus des soldats. Le marron ocre est la seule couleur qu’il était donné à voir au soldat d’après le peintre. C’est la couleur de la terre des tranchées et des uniformes sales.

2) Structure
Le triptyque La Guerre serait pour Otto Dix une manière de décrire le quotidien des soldats, qui partent combattre matin et meurent le soir. Le peintre raconte alors ce qu’il a vécu à travers la peinture.

III. Liens
1) Assaut sous les gaz, une autre œuvre d'Otto Dix


Assaut sous les gaz, Otto Dix, 1924
Gravure aquatinte, 35.3 cm x 47.5 cm, Musée historique allemand

Cette gravure représente des soldats portant des masques à gaz courant ou avançant vers le spectateur. Comme dans La Guerre, Otto Dix a cherché à représenter l'inévitable mort qui plane sur les soldats. Le plan rapproché et la déshumanisation des assaillants due aux masques à gaz donne au spectateur une impression de danger ; leurs armes leur donnent un côté barbare. Ils semblent sortir d'une tranchée et les gaz autour d'eux donnent l'impression d'êtres fantomatiques et déjà morts.
Cette œuvre fait partie d'une série de gravures qu'a réalisées Otto Dix avant de peindre La Guerre.

2) Le retable d'Issenheim, une référence religieuse

Le Retable d'Issenheim, Matthias Grünewald, 1512-1516
Tempera et huile sur bois, Musée Unterlinden, Colmar (Allemagne)


Le Retable d'Issenheim est, à l'instar de La Guerre, un triptyque réalisé lors de la Renaissance par Grünewald. Otto Dix y fait référence dans son tableau, en associant le Christ crucifié au personnage squelettique empalé sur un reste d'architecture.













Les deux personnages sont vêtus de haillons. Tous deux ont beaucoup soufferts, et leurs corps sont extrêmement amaigris (le mort d'Otto Dix n'ayant plus que son squelette).
Tout deux sont, pour Otto Dix, des personnages permettant de rappeler les horreurs que peut donner la guerre ou que peuvent engendrer les hommes.





IV. Conclusion
Le tableau La Guerre est donc une œuvre qu’a peinte Otto Dix afin de montrer à tous l’enfer qu’avaient connu les soldats lors de la Grande Guerre. Souhaitant témoigner de sa propre expérience, il nous met en garde contre les dommages que peuvent faire les hommes. En se représentant comme notre sauveur, il veut en réalité nous sauver de la bêtise que serait une deuxième guerre.