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vendredi 16 décembre 2016

MASSACRE EN CORÉE, de Picasso

Massacre en Corée, Pablo Picasso, 1951
Huile sur contreplaqué, 110 cm x 210 cm, Musée Picasso, Paris (France)


I. Présentation
1) L'oeuvre
Massacre en Corée est un tableau peint par Pablo Picasso en 1951. L’oeuvre mêle le cubisme et l’expressionnisme.

2) Contexte
Le tableau est peint en 1951, quelques mois après le début de la Guerre de Corée (juin 1950 - juillet 1953). La Corée du Nord, soutenue par la Chine et l’URSS, et opposée à la Corée du Sud, soutenue par les Nations Unies. A la fin de la guerre, un million et demi de morts. Ce sont les populations civiles qui ont été particulièrement touchées, à cause, entre autres, des nombreux bombardements. Picasso dénonce les violences subies par les civils, et peint ce tableau pendant que la guerre est encore en cours.

II. Description et analyse
1)Le camp de gauche



Il est entièrement composé de femmes et d’enfants, nus, sans armes, ce qui fait d’eux des êtres vulnérables et sans moyen de défense. Les formes sont plutôt arrondies, les femmes sont enceintes : ces personnages incarnent la vie. Ceux du second plan ne semblent pas conscients de ce qui est en train d’arriver, contrairement à ceux du premier plan dont les visages sont tordus de terreurs. Ces civils incarnent les victimes innocentes des combats. 
Les deux camps sont séparés par un fleuve : il représente la frontière établie entre Corée du Nord et Corée du Sud, ou alors, plus pertinemment, une frontière qui sépare les victimes des bourreaux.

2) Le camp de droite



Il est composé de soldats, menaçants, imposants, armés. Ils pointent leurs fusils à l’encontre du groupe de femmes et d’enfants. Si les femmes sont peintes avec des courbes, les soldats sont très carrés, faits de lignes droites. La composition antithétique du tableau oppose la vie à l’anéantissement. L’arrière-plan représentant des maisons en ruines, suggère leur passage dans la ville qu’ils ont déjà détruite.
Fait surprenant, Picasso les a représenté avec des fusils et des casques de chevaliers. Les soldats deviennent alors allégorie de la violence sur les civils, perpétrée à travers les siècles, autant au Moyen-Âge (les casques) que de nos jours (les fusils).
Le soldat situé à l’extrême-droite du tableau brandit un glaive le dos tourné au spectateur. Si le glaive pointe les femmes, c’est pour signifier l’ordre d’attaquer ; si l’homme tourne le dos, c’est pour signifier qu’il rejette cette responsabilité. On pourrait voir en lui une allégorie du pouvoir politique, prenant des décisions à distance sans s’impliquer.

3) Les couleurs
Les couleurs employées sont froides : vert, noir et gris dominent, de même que dans Guernica, un autre tableau de Picasso. Délavées, elles servent à mieux représenter la peur et la désolation. On remarque que les couleurs des soldats sont plus sombres que celles utilisées pour peindre les femmes, d’autant plus que la source de lumière du tableau éclaire les victimes et les met en évidence. 
Les couleurs contribuent à la désincarnation des soldats, voire leur déshumanisation. Les reflets métalliques sont en effet présents sur les armes et les casques, ce qui les met en valeur et indique ainsi la seule fonction du camp de droite : tuer.

III. Liens
Tres de Mayo, de Goya

Tres de Mayo, Francisco de Goya, 1814
Huile sur toile, 268 cm x 347 cm, Musée du Prado, Madrid (Espagne)

Les similitudes tiennent à la composition du tableau. D’un côté un homme, éclairé, prêt à être exécuté, et de l’autre côté des soldats, de dos. L’expression de peur sur le visage de la victime rejoint celles sur les visages des femmes dans le tableau de Picasso. Bien que la scène se déroule en pleine nuit, les couleurs employées restent les mêmes.
Il est très probable que Picasso se soit inspiré de cette oeuvre de Goya pour peindre Massacre en Corée.

IV. Conclusion
Dans une démarche pacifiste, Picasso dénonce le massacre des civils lors de guerres opposant des puissances avec autant d’armement. 

En 1951, Picasso est membre du PCF, le Parti Communiste Français. Les soldats dénonceraient alors l’impérialisme américain, le camp opposé aux Soviétiques, et plus généralement la situation de Guerre Froide, qui mène à ces massacres.


mercredi 26 novembre 2014

LES MENINES, de Diego Velasquez

Les Ménines, Diego Velasquez, 1656
Huile sur toile, 3m x 2.75m, Musée du Prado, Espagne

I. Présentation
1) L’œuvre
Les Ménines (aussi connu sous le nom de Las Meninas ou La Famille de Philippe IV) est un tableau peint par Diego Velasquez en 1656. Il représente l’Infante Marguerite-Thérèse, entourée de deux ménines (ses demoiselles d’honneur) et de divers autres personnes. Le tableau est exposé au Musée du Prado. Il est endommagé lors d’un incendie en 1734, mais il est restauré peu de temps après.

2) Contexte
Lorsque le tableau est peint, l’Infante est la seule héritière au trône d’Espagne ; à cette époque, toute la partie gauche du tableau était cachée par un grand rideau rouge. Un garçon tendait un bâton de commandement à Marguerite-Thérèse, faisant de ce tableau une scène symbolique en représentant la passation de pouvoir à l’enfant sous les yeux des parents (visibles dans un miroir au fond de la salle).
Cependant, l’année 1657 amène un nouvel héritier mâle au trône d’Espagne, d’autant plus que l’enfant ne meurt pas prématurément. Ainsi, sous les ordres de Philippe IV, Diego Velasquez est amené à remplacé le bâton de commandement : il se représente donc lui-même en train de peindre le couple royal, que l’on peut toujours voire reflété dans le miroir.

II. Description et analyse
1) La structure du tableau
Le tableau est divisé en quarts de manière horizontale. Si les personnages sont nombreux, ils n’occupent cependant que la moitié inférieure du tableau. Les personnages sont représentés en perpective : il n’y a qu’un seul point de fuite. On peut compter sept zones de profondeur dans le tableau. La lumière provient de la droite, et éclaire l’Infante, permettant ainsi d’en faire le personnage principal du tableau.
A l’arrière-plan, on peut observer les réflexions du Roi et de la Reine dans un miroir. Il pourrait s’agir, d’une part, de la réflexion du tableau qu’est en train de peindre Velasquez, ou bien, d’autre part, du Roi et de la Reine eux-mêmes qui posent pour Velasquez. Dans tous les cas, leur présence donne un aspect solennel au tableau ; ils se contentent de contempler la scène, tout comme le spectateur.

2) Les personnages
a) L’Infante et ses Ménines


Ces trois personnages là sont les plus éclairés du tableau, la lumière les visant directement. Cependant, même si la lumière vient frapper la joue de la ménine de droite, son visage et ses vêtements restent sombres, au contraire de l’Infante qui semble renvoyer la lumière. Elle est donc bien le personnage principal, mis en évidence par le jeu de luminosité. Les deux ménines, quant à elles, semblent se réfléchirent l’une et l’autre.

b) Le nain, la naine et le chien

Ces trois personnages là forment un groupe sans grande importance dans le tableau. A l’époque, les nains étaient utilisés pour divertir les nobles, comme ici pour la famille royale. Leurs visages et habits restent flous et sombres.





c) Le peintre



Diego Velasquez s’est donc représenté lui-même lors de la modification engendrée par la naissance d’un nouvel héritier. Il porte sur son torse la croix rouge caractéristique de l’ordre de Santiago, qu’il ne recevra pourtant qu’en 1959, soit trois ans après l’achèvement du tableau. Elle aurait donc été rajoutée après coup, peut être même par quelqu’un annexe après la mort du peintre. Velasquez, ainsi que la naine, fixent tous les deux le Roi et la Reine, ou bien le spectateur, créant une sorte de tension visuelle.




d) La chaperonne et le garde

En cinquième zone de profondeur, on retrouve une chaperonne et un garde. Ils représenteraient à eux deux les alter-ego du Roi et de la Reine, comme les deux ménines qui se réfléchissent. Ils occupent en effet les mêmes fonctions que les souverains : veiller et protéger l’Infante. Leurs visages sont sombres et peu éclairés.

e) Nieto Velasquez



En septième zone de profondeur se trouve un homme. Il est bien rendu visible à cause du contraste entre ses habits noirs et la lumière derrière lui, mais son visage est incertain, flou, trop sombre. Cet homme paradoxal, à la fois visible et caché, serait un parent de Diego Velasquez. Il tient dans sa main une poignée de porte, et montre derrière lui une pièce vide.





III. Liens
1) Las Meninas, de Pablo Picasso

Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne
Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne

Las meninas est une série de 58 tableaux peints par Pablo Picasso en 1957, soit 300 ans après l’œuvre originale. Il interprète alors le tableau de beaucoup de manières différentes, jouant sur les décompositions des faces. Picasso était connu pour être un admirateur de Velasquez ; il légua d'ailleurs l'intégralité de ses peintures au Musée de Barcelone.
Dans les tableaux, les couleurs sont tour-à-tour variées ou bien monochromes.

2) Les Epoux Arnolfini, de Jan Van Eyck

Les Epoux Arnolfini, 1434, Jan Van Eyck
Huile sur chêne, 82cm x 60cm, National Galery, Londres, Angleterre

Il est très probable que Velasquez se soit inspiré de ce tableau, tout particulièrement en ce qui concerne le miroir rond placé à l’arrière du tableau. Dedans y sont reflétés les deux époux et le peintre, qui ne peint pas mais fait office de témoin dans ce mariage des époux Arnolfini.
Le tableau est d’ailleurs remplis de symboles autour du thème du mariage : le chien pour la fidélité, le fruit pour le péché originel ; le lustre, dont une seule bougie est allumée, est symboliquement la présence divine.
De plus, il semblerait que le tableau ait longtemps été accroché au palais de Philippe IV, notamment durant la période ou Velasquez peignait Les Ménines.

IV. Conclusion

Les Ménines est considéré comme un chef-d’œuvre de la peinture espagnole ; aujourd’hui, Diego Velasquez en est un des principaux représentants. Il est toujours considéré comme l’un des maîtres de la peinture universelle.

mardi 22 avril 2014

GUERNICA de Pablo Picasso

Guernica, Pablo Picasso, 1937
Huile sur toile,  752 x 351 cm, Musée de la Reine Sofia, Madrid


I. Présentation
1) Introduction
Guernica est une oeuvre monumentale de Pablo Picasso, peinte en 1937. Elle s’inscrit dans le mouvement du cubisme, dont Picasso était un des principaux acteurs.

2) Contexte historique de l’œuvre
Depuis 1936, soit un an avant la création de l’œuvre, la guerre civile éclate en Espagne. Les républicains s’opposent au franquistes, dirigés par Franco, qui cherche à prendre le pouvoir par la force. 
Le 26 avril 1937, la légion allemande Condor bombarde durant 3 heures la ville de Guernica, dirigée cependant par le général Franco, dont Hitler était l’allié. Le but de cette opération était de tester de nouvelles armes, mais l’assaut était ici dirigé contre les civils, tous les hommes militaires étant partis combattre les franquistes.
L’attaque dura 3 heures et fit 2000 morts, constitués de femmes, d’enfants et de vieillards. La ville est presque entièrement détruite. Lorsqu’il apprend la nouvelle, Picasso est horrifié et va s’atteler directement à la préparation de son œuvre.

La ville de Guernica après le bombardement

II. Description et analyse
1) Description succincte de l’œuvre
Le tableau est constitué de nombreux personnages et animaux, qui sont peints très proches les uns des autres, comme oppressés. 

A gauche, on peut voir au premier plan en bas un soldat qui gît à terre, mort. Au-dessus de lui, une femme tient ce qui semble être le cadavre de son enfant dans ses bras en pleurant. Entre un taureau et un cheval, un oiseau est représenté, à peine visible. A droite, une femme semble sortir d’une maison, tenant dans sa main une lampe. A ses pieds se tient une femme à genoux. Enfin, tout à droite du tableau, une femme est représentée dans une maison en flammes en train de brûler.


2. Analyses des figures principales du tableau
a) La mère et son enfant mort

La femme se tient à genoux, comme une pieta (littéralement Vierge de Pitié, qui est donc un lien ici avec la Vierge Marie tenant son enfant Jésus mort au pied de la croix). Elle est visiblement en train de hurler. Son visage est déformé, représenté à la fois de face et de profil, sa langue est pointue, et ses narines et ses yeux ont la forme de larmes. Elle semble crier sa douleur au ciel, tenant donc son enfant mort, le visage inexpressif et les bras ballants, contre elle.


b) La femme brûlant dans la maison en flammes

On peut voir ici un lien entre cette femme et le personnage principal de Tres de Mayo, de Goya. On peut d’ailleurs associer Picasso à cet artiste, car tout deux ont voulu dénoncer ou raconter des évènements historiques marquants à travers leurs œuvres.








c) La femme qui tient une lampe

Son bras et son cou sont allongés, ce qui donne l’impression qu’elle cherche à fuir au plus vite et à s’extirper de la maison dont elle est en train d’émerger. Dans sa main droite, elle tient une lampe, qu’on pourrait rattacher à un flambeau, et qui serait symbole d’espoir.


d) La femme à genoux

Les membres de ce personnages sont complètement démesurés. Cependant, tout son être est tourné vers le flambeau que tient la femme à la lampe (voir c), comme si elle tentait de se raccrocher au peu d’espoir qu’il lui reste.


e) Le soldat mort

Dans le coin inférieur gauche gît un soldat démembré, son bras ayant l’air de lui avoir été arraché. Sa main est encore refermée sur son épée cassée. Une fleur émerge de sa paume, fragile symbole d’espoir. Il est le symbole de la résistance de Guernica et du combattant, signifiant ainsi qu’il ne reste plus beaucoup d’espoir pour tous les habitants.

f) Le taureau

Au milieu de toute cette pagaille, on peut voir un taureau, statique. Représenté à la fois de face et de profil, il y a sur son visage quelque chose d’humain. 
Certaines personnes y voient le symbole de la bestialité et de la cruauté. 
On peut le rattacher à la figure mythologique du Minotaure, figure dont se sert Picasso à plusieurs reprises à travers ses nombreuses oeuvres.




g) Le cheval hurlant

D’après le peintre lui-même, le cheval serait ici une allégorie du peuple. Il est blessé au flanc par une lance qui le transperce. Sa tête rejetée en arrière, il hurle de douleur.


i) La lampe

La lampe, au-dessus du cheval, domine la scène. Elle a la forme d’un oeil, comme si Picasso voulait nous dire que c’est à travers l’oeil du peintre, donc son oeuvre, que le tableau a été réalisé.




h) L'oiseau à peine visible

L’oiseau pourrait être un symbole d’espoir, comme une colombe, mais étant très peu visible, on pourrait en déduire que l’espoir a disparu.






3) Couleurs et composition du tableau

Les couleurs sont sombres et austères, allant entre le noir et le blanc ; le tableau est monochrome. Elles pourraient ainsi renforcer l’idée de mort et de deuil qui envahit la ville. Elles pourraient aussi rappeler les clichés sans couleurs de la ville diffusés dans les journaux après son bombardement.
Le tableau se lit comme une frise. Même si les formes semblent compliquées à démêler, on peut tout de même remarquer que le bas de l’œuvre donne une impression de chaos et de mort, tandis que le haut, avec le flambeau et la lampe au-dessus de la tête du cheval, donne un rendu espacé et donc plus vivant.
Le tableau peut aussi se séparer en trois triangles. La base du triangle principal serait la mort (= peuple blessé, soldat mort), tandis que son sommet serait l’espoir (= flambeau).



III. Conclusion
A travers ce tableau, Picasso a cherché à montrer à tous l’horreur des guerres, et plus particulièrement lorsque celles-ci touchent les civils. Ce tableau, quoique peint pour un évènement particulier, cherche aussi à toucher les guerres passées et futures.