jeudi 15 mai 2014

LES DEUX FRIDAS de Frida Kahlo

Problématique pour l'Histoire des Arts : Pourquoi peut-on dire que la souffrance est l'élément essentiel de tableau Les Deux Fridas ?

Les Deux Fridas, Frida Kahlo, 1939
173.5 cm x 173 cm, Huile sur toile, Musée d'Art Moderne, Mexico

I. Présentation
Les Deux Fridas est un des nombreux autoportraits de l’artiste Frida Kahlo, peint en 1939 à la suite de la rupture entre cette dernière et son mari, Diego Rivera. Ce tableau est un double-autoportrait, ce qui est plutôt inhabituel en peinture, puisque l’artiste y est représentée deux fois. Contrairement aux autres oeuvres de l’artiste qui sont essentiellement des autoportraits, celle-ci est plus grande que les autres tableaux (173,5 x 173 cm). Nous sommes ici en présence d’un portrait en pied, c’est à dire que tous les membres des personnages sont visibles. Les deux femmes font la taille d’êtres humains réels.

II. Description et analyse
1. La Frida de gauche
Au premier plan, on peut voir les deux Fridas, qui se tiennent par la main. L’arrière-plan représente un ciel orageux.
La Frida de gauche porte une robe de mariée blanche. Son coeur, visible sur sa poitrine, est ouvert et écorché. Elle tente, à l’aide d’une pince, d’empêcher le sang qui vient d’une de ses veines de couler. Son visage est très pâle, et le sang qui coule se confond avec les motifs fleuris de sa robe ; cela pourrait signifier entre autres que l’artiste cachait ses souffrances.

2. La Frida de droite
De l’autre côté, on retrouve une Frida dans sa robe traditionnelle mexicaine. Elle prône ainsi son appartenance au Mexique, qu’elle aura revendiqué toute sa vie et dont elle est très fière. Les couleurs dominantes sont le bleu du haut de la robe, qui chez elle signifie l’amour et la distance, puis le jaune-verdâtre de la jupe, qui se rapporte à la folie. Ainsi, la robe a elle seule signifierait probablement que l’artiste, devient folle lorsqu’elle son amour, Diego Rivera, est loin d’elle. Cependant, ses jambes écartées sous sa robe et sa moustache très apparente sont le signe ici d’une Frida masculinisée, forte. Son coeur semble en bonne santé, et des veines relient les deux personnages comme si ils étaient dépendants l’un de l’autre.

Dans sa main gauche, on peut remarquer un minuscule portrait : à regarder de plus près, on peut distinguer un portrait miniature de Diego, son amant puis mari, dont elle vient de divorcer. Il est représenté lorsqu’il était jeune. Le portrait est entouré par des veines provenant du coeur de Frida, ce qui pourrait paradoxalement signifier que Frida a besoin de Diego (celui qui lui a littéralement brisé le coeur) pour vivre. Ce n’est pas la première fois que Frida utilise dans ses tableaux des liens, qui semblent lui être douloureux, et dont elle se sert aussi pour exprimer sa souffrance, comme dans Autoportrait au collier d’épines et au colibri.


Autoportrait au collier d’épines et au colibri, Frida Kahlo, 1940
Huile sur toile, 62 cm x 47.6 cm

3. Explications
La Frida de gauche est désespérée d’avoir perdu son grand amour, Diego Rivera. Son coeur saigne. Sa robe blanche témoigne d’une femme mariée ; par déduction, la femme de droite est la femme divorcée, qui supporte l’éloignement avec Diego, qui est forte et qui sait faire face.
L’artiste symbolise ici le rôle vital de son mari dans sa vie, car lorsqu’il n’y a pas de portrait relié à son coeur, le sang de Frida se met à couler.
D’après le journal intime de Frida Kahlo, on sait aujourd’hui qu’elle se représentait parfois une amie imaginaire, une sorte de double d’elle-même qui était tout ce à quoi elle aspirait :  être une femme normale, forte pour son enfant, l’enfant étant ici la Frida de gauche. En effet, elle lui tient la main d’une manière qui laisserait penser qu’elle est à son chevet.

IV. Conclusion
La souffrance est omniprésente dans ce tableau, depuis le coeur écorché au ciel orageux, qui occupe les deux tiers de l’arrière-plan et qui pourrait symboliser le tourment de son esprit. 
De plus, les veines du coeur blessé faisant le tour de ses membres, on peut penser que l’artiste a encore une fois voulu peindre sa souffrance physique.
Dans ce tableau, la douleur est donc aussi bien physique que mentale.

Réponse à la problématique : Chaque élément a ici une signification, qui ramène à chaque fois à la souffrance que subit l’artiste. On peut donc bien dire que la souffrance est l’élément essentiel du tableau Les Deux Fridas.

jeudi 8 mai 2014

AUTOPORTRAIT A LA ROBE DE VELOURS de Frida Kahlo

Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée

I. Présentation
1) Le tableau
Autoportrait à la robe de velours est seulement le deuxième tableau de Frida Kahlo. Peint juste après son accident de bus (qui lui laissera des séquelles terribles), elle le confiera dans un premier temps à Diego Rivera, un célèbre peintre mexicain, qui sera plus tard son amant puis mari.

2) Une vocation
En voyant le tableau, Diego Rivera réalisa tout de suite que la jeune fille avait un don, sinon un talent certain pour la peinture. C’est lui qui la poussera à se lancer dans ce domaine et qui l’encouragera une grande partie de sa vie.

II. Description et analyse
1) Description formelle
Frida s’est peinte ici elle-même, car c’est un autoportrait. Elle s’est représentée avec un grand décolleté, plutôt osé pour une fille de 19 ans à son époque. Même si elle accentue déjà beaucoup ses sourcils, elle paraît très féminine, plus que dans les autres autoportraits qui suivront les années suivantes. La main, dans la partie inférieure du tableau, semble inviter le spectateur à la rejoindre.

2) Pourquoi Frida aurait peint ce tableau
Avant son accident, Frida et Alejandro Gomez Arias étaient amants. Mais quand elle se retrouve partiellement et temporairement paralysée, il se détourne d’elle. Ce tableau avait pour but premier de le faire revenir, en lui montrant combien elle tenait à lui et en lui disant qu’elle l’aimait encore.

3) Couleurs
L’arrière-plan très foncé fait ressortir sa peau et surtout son visage. D'après le journal intime de Frida, le bleu signifiait l’amour et la distance. Le rouge avait pour elle un rapport avec le sang. Les couleurs en elles-mêmes indiqueraient que la distance avec son amour la fait souffrir.

III. Liens
1) Portrait d'Anna Zborowska, Modigliani

Portrait d'Anna Zborowska, 1918, Modigliani
Huile sur toile, 55 cm x 35 cm
Galerie Nationale d'Art Moderne, Rome
Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée



























On peut aisément faire le rapprochement entre les deux tableaux ci-dessus. Les deux personnages présentent tous les deux des visages ayant une forme ovale parfaite, deux yeux rapprochés, des décolletés plongeant et surtout, deux cous très allongés, qui étaient d'ailleurs une sorte de marque de fabrique pour Modigliani.

IV. Conclusion
Si Frida peint ce tableau, c'est aussi une forme de cadeau de rupture pour son ancien amant qui ne reviendra pas. Elle se peint belle et mystérieuse, désormais inaccessible. Elle épouse finalement Diego Rivera trois ans plus tard, le 21 août 1929.

lundi 5 mai 2014

LA GUERRE d'Otto Dix

La Guerre, Otto Dix, 1929-1932
Tempera sur bois, 204 x 204 cm (panneau central) et 204 x 102 cm (panneaux latéraux)

I. Présentation
1) Le tableau
La Guerre est un tableau réalisé entre 1929 et 1932 par le peintre Otto Dix et qui parle de la Première Guerre Mondiale. Dans cette œuvre, il peint ce qu’il a pu vivre lors de la Grande Guerre, dans laquelle il s’était engagé en 1914. 

2) Format du tableau
Ce tableau est un polyptyque composé de trois panneaux, c’est à dire un triptyque. Il rappelle les retables de la Renaissances, qui étaient situés dans les églises. C’est une œuvre de grande taille, d'environ 4 mètres par 2.

II. Description des panneaux
1) Le panneau de gauche
Le panneau de gauche représente des soldats qui s’en vont combattre, fusils vers le haut, alors que le jour est à peine en train de se lever. Ils tournent le dos au spectateur. Le roue de charrette arrachée et la brume laissent penser que les soldats sont dans un paysage à la fois détruit et désertique, ravagé par la guerre. Sur le dos, ils portent tout leur matériel de soldat, qui devait peser plus de 30 kilos.

2) Le panneau du milieu
Le panneau du milieu est la représentation des horribles conditions de vie et d’hygiène qui étaient devenues le commun pour les soldats. A droite, on peut voir un amoncellement de cadavres, corps sans vies empilés les uns sur les autres et rongés par les vers. L’homme au sommet de la pile de corps semble agoniser et demander de l’aide en tendant la main pour montrer qu’il est toujours vivant, mais personne ne semble disposé à venir l’aider. Son corps est criblé de balles et couvert de pustules ; un ver de terre lui sort de la bouche, et ses yeux semblent déjà vides de toute vie. 

Au sommet du panneau du milieu, un cadavre empalé sur ce qu’il reste d’un ancien bâtiment, probablement détruit par un obus. Son squelette auquel il manque des membres pointe du doigt le tas de cadavres, comme pour en dénoncer l’atrocité. Un peu en retrait, caché derrière des sacs, on peut voir un soldat portant un masque à gaz enveloppé dans une couverture. Aucune partie de son corps n’est réellement visible. Il aurait tout aussi bien pu être un cadavre. Il regarde le corps agonisant du soldat au sommet de la pile de morts, mais ne semble rien faire pour l’aider. C’est comme si on lui avait retiré son humanité : il ne reste qu’un corps humain insensible. Encore une fois, personne ne regarde le spectateur. Le paysage en arrière-plan est désertique. Le village à gauche est en ruines et le terrain à droite est creusé de trous d’obus.

3) Le panneau de droite
Sur le panneau de droite, le peintre a réalisé un autoportrait de lui-même, et s’est représenté en sauveur d’un soldat blessé à la tête. Il est dans ce tableau le seul personnage à regarder le spectateur dans les yeux ; il le fixe ici de manière intense. Alors que le ciel au-dessus de lui est de couleur noire, Otto Dix semble éclairé par un rayon de lumière, qui fait de lui la partie la plus lumineuse du tableau, comme en signe d’espoir. A ses pieds se trouvent des cadavres et un soldat agonisant. 

4) Le panneau du bas
Le panneau du bas peut aussi être appelé «prédelle». Le peintre y a représenté ce qui ressemble à une tombe, scellée par le haut, et où reposent les soldats morts. Une autre version consisterait à dire que les soldats sont seulement endormis, mais la pâleur presque cadavérique de l’homme au premier plan laisse supposer qu’il est vraiment mort.

II. Couleurs et structure du tableau
1) Couleurs
Les couleurs principales de ce tableau sont le rouge et le marron. Le rouge est ici symbole de violence : il représente tantôt le ciel tourmenté, tantôt les organes des corps déchiquetés par une bombe. C’est une couleur que le peintre a choisie car on l’associe directement au sang et à la mort qui plane en permanence au-dessus des soldats. Le marron ocre est la seule couleur qu’il était donné à voir au soldat d’après le peintre. C’est la couleur de la terre des tranchées et des uniformes sales.

2) Structure
Le triptyque La Guerre serait pour Otto Dix une manière de décrire le quotidien des soldats, qui partent combattre matin et meurent le soir. Le peintre raconte alors ce qu’il a vécu à travers la peinture.

III. Liens
1) Assaut sous les gaz, une autre œuvre d'Otto Dix


Assaut sous les gaz, Otto Dix, 1924
Gravure aquatinte, 35.3 cm x 47.5 cm, Musée historique allemand

Cette gravure représente des soldats portant des masques à gaz courant ou avançant vers le spectateur. Comme dans La Guerre, Otto Dix a cherché à représenter l'inévitable mort qui plane sur les soldats. Le plan rapproché et la déshumanisation des assaillants due aux masques à gaz donne au spectateur une impression de danger ; leurs armes leur donnent un côté barbare. Ils semblent sortir d'une tranchée et les gaz autour d'eux donnent l'impression d'êtres fantomatiques et déjà morts.
Cette œuvre fait partie d'une série de gravures qu'a réalisées Otto Dix avant de peindre La Guerre.

2) Le retable d'Issenheim, une référence religieuse

Le Retable d'Issenheim, Matthias Grünewald, 1512-1516
Tempera et huile sur bois, Musée Unterlinden, Colmar (Allemagne)


Le Retable d'Issenheim est, à l'instar de La Guerre, un triptyque réalisé lors de la Renaissance par Grünewald. Otto Dix y fait référence dans son tableau, en associant le Christ crucifié au personnage squelettique empalé sur un reste d'architecture.













Les deux personnages sont vêtus de haillons. Tous deux ont beaucoup soufferts, et leurs corps sont extrêmement amaigris (le mort d'Otto Dix n'ayant plus que son squelette).
Tout deux sont, pour Otto Dix, des personnages permettant de rappeler les horreurs que peut donner la guerre ou que peuvent engendrer les hommes.





IV. Conclusion
Le tableau La Guerre est donc une œuvre qu’a peinte Otto Dix afin de montrer à tous l’enfer qu’avaient connu les soldats lors de la Grande Guerre. Souhaitant témoigner de sa propre expérience, il nous met en garde contre les dommages que peuvent faire les hommes. En se représentant comme notre sauveur, il veut en réalité nous sauver de la bêtise que serait une deuxième guerre.

mardi 22 avril 2014

GUERNICA de Pablo Picasso

Guernica, Pablo Picasso, 1937
Huile sur toile,  752 x 351 cm, Musée de la Reine Sofia, Madrid


I. Présentation
1) Introduction
Guernica est une oeuvre monumentale de Pablo Picasso, peinte en 1937. Elle s’inscrit dans le mouvement du cubisme, dont Picasso était un des principaux acteurs.

2) Contexte historique de l’œuvre
Depuis 1936, soit un an avant la création de l’œuvre, la guerre civile éclate en Espagne. Les républicains s’opposent au franquistes, dirigés par Franco, qui cherche à prendre le pouvoir par la force. 
Le 26 avril 1937, la légion allemande Condor bombarde durant 3 heures la ville de Guernica, dirigée cependant par le général Franco, dont Hitler était l’allié. Le but de cette opération était de tester de nouvelles armes, mais l’assaut était ici dirigé contre les civils, tous les hommes militaires étant partis combattre les franquistes.
L’attaque dura 3 heures et fit 2000 morts, constitués de femmes, d’enfants et de vieillards. La ville est presque entièrement détruite. Lorsqu’il apprend la nouvelle, Picasso est horrifié et va s’atteler directement à la préparation de son œuvre.

La ville de Guernica après le bombardement

II. Description et analyse
1) Description succincte de l’œuvre
Le tableau est constitué de nombreux personnages et animaux, qui sont peints très proches les uns des autres, comme oppressés. 

A gauche, on peut voir au premier plan en bas un soldat qui gît à terre, mort. Au-dessus de lui, une femme tient ce qui semble être le cadavre de son enfant dans ses bras en pleurant. Entre un taureau et un cheval, un oiseau est représenté, à peine visible. A droite, une femme semble sortir d’une maison, tenant dans sa main une lampe. A ses pieds se tient une femme à genoux. Enfin, tout à droite du tableau, une femme est représentée dans une maison en flammes en train de brûler.


2. Analyses des figures principales du tableau
a) La mère et son enfant mort

La femme se tient à genoux, comme une pieta (littéralement Vierge de Pitié, qui est donc un lien ici avec la Vierge Marie tenant son enfant Jésus mort au pied de la croix). Elle est visiblement en train de hurler. Son visage est déformé, représenté à la fois de face et de profil, sa langue est pointue, et ses narines et ses yeux ont la forme de larmes. Elle semble crier sa douleur au ciel, tenant donc son enfant mort, le visage inexpressif et les bras ballants, contre elle.


b) La femme brûlant dans la maison en flammes

On peut voir ici un lien entre cette femme et le personnage principal de Tres de Mayo, de Goya. On peut d’ailleurs associer Picasso à cet artiste, car tout deux ont voulu dénoncer ou raconter des évènements historiques marquants à travers leurs œuvres.








c) La femme qui tient une lampe

Son bras et son cou sont allongés, ce qui donne l’impression qu’elle cherche à fuir au plus vite et à s’extirper de la maison dont elle est en train d’émerger. Dans sa main droite, elle tient une lampe, qu’on pourrait rattacher à un flambeau, et qui serait symbole d’espoir.


d) La femme à genoux

Les membres de ce personnages sont complètement démesurés. Cependant, tout son être est tourné vers le flambeau que tient la femme à la lampe (voir c), comme si elle tentait de se raccrocher au peu d’espoir qu’il lui reste.


e) Le soldat mort

Dans le coin inférieur gauche gît un soldat démembré, son bras ayant l’air de lui avoir été arraché. Sa main est encore refermée sur son épée cassée. Une fleur émerge de sa paume, fragile symbole d’espoir. Il est le symbole de la résistance de Guernica et du combattant, signifiant ainsi qu’il ne reste plus beaucoup d’espoir pour tous les habitants.

f) Le taureau

Au milieu de toute cette pagaille, on peut voir un taureau, statique. Représenté à la fois de face et de profil, il y a sur son visage quelque chose d’humain. 
Certaines personnes y voient le symbole de la bestialité et de la cruauté. 
On peut le rattacher à la figure mythologique du Minotaure, figure dont se sert Picasso à plusieurs reprises à travers ses nombreuses oeuvres.




g) Le cheval hurlant

D’après le peintre lui-même, le cheval serait ici une allégorie du peuple. Il est blessé au flanc par une lance qui le transperce. Sa tête rejetée en arrière, il hurle de douleur.


i) La lampe

La lampe, au-dessus du cheval, domine la scène. Elle a la forme d’un oeil, comme si Picasso voulait nous dire que c’est à travers l’oeil du peintre, donc son oeuvre, que le tableau a été réalisé.




h) L'oiseau à peine visible

L’oiseau pourrait être un symbole d’espoir, comme une colombe, mais étant très peu visible, on pourrait en déduire que l’espoir a disparu.






3) Couleurs et composition du tableau

Les couleurs sont sombres et austères, allant entre le noir et le blanc ; le tableau est monochrome. Elles pourraient ainsi renforcer l’idée de mort et de deuil qui envahit la ville. Elles pourraient aussi rappeler les clichés sans couleurs de la ville diffusés dans les journaux après son bombardement.
Le tableau se lit comme une frise. Même si les formes semblent compliquées à démêler, on peut tout de même remarquer que le bas de l’œuvre donne une impression de chaos et de mort, tandis que le haut, avec le flambeau et la lampe au-dessus de la tête du cheval, donne un rendu espacé et donc plus vivant.
Le tableau peut aussi se séparer en trois triangles. La base du triangle principal serait la mort (= peuple blessé, soldat mort), tandis que son sommet serait l’espoir (= flambeau).



III. Conclusion
A travers ce tableau, Picasso a cherché à montrer à tous l’horreur des guerres, et plus particulièrement lorsque celles-ci touchent les civils. Ce tableau, quoique peint pour un évènement particulier, cherche aussi à toucher les guerres passées et futures.

mardi 8 avril 2014

NAPOLÉON IER SUR LE TRÔNE IMPÉRIAL de Ingres

Napoléon Ier sur le trône impérial, 1806, Ingres
Huile sur toile, 259 cm x 162 cm, Musée de l'Armée, Paris


I. Présentation
Napoléon Ier sur le trône impérial est un tableau peint par Ingres en 1806. Napoléon y est représenté en majesté.

II. Analyse du tableau
1. Pouvoirs
Napoléon est représenté assis sur un trône. Dans sa main gauche, il tient la main de justice, qui représente le pouvoir judiciaire. Dans sa main droite, il porte le sceptre, qui symbolise le pouvoir politique. A côté du trône, on peut voir une épée, qui est le symbole du pouvoir militaire. 
Napoléon montre ici à travers ce tableau qu’il possède tous les pouvoirs, en temps qu’empereur des français (statut qu’il a depuis 1804, année de son couronnement).

2. Symboles
Dans le tableau sont dissimulés de manière plus ou moins évidente, de nombreux symboles. 
Tout d’abord, le manteau couleur rouge pourpre pourrait rappeler les toges des empereurs romains. De plus, la couronne de laurier qu’il porte sur la tête est caractéristique des empereur de la Rome Antique, et plus particulièrement de la figure de l’empereur romain César. L’aigle du tapis sous les pieds de Napoléon était aussi l’emblème des légions romaines.
Sur le manteau, on peut voir que sont cousues de petites abeilles avec ce qui semble être des fils d’or. Les abeilles étaient d’autre part le symbole des Mérovingiens.
Autour du cou, Napoléon porte un collier, qui est la légion d’honneur. Il se l’est attribuée lui-même, en étant le créateur.

3) Technique de peinture
Napoléon est peint ici en suivant les bons critères de peinture de l'époque. L'image renvoyée par le tableau est à priori fidèle à la réalité, même si à l'époque, les commanditaires de ce genre de tableaux cherchaient à améliorer leur visage pour changer l'effet produit (personne plus belle, plus grande, plus imposante...).

III. Lien
Ce portrait en pied de Napoléon peut faire penser au Portrait de Louis XIV en costume de sacre peint par Rigaud en 1701. On y retrouve en effet de nombreux éléments du tableau, comme le sceptre ou l’épée. On pourrait penser que Napoléon aurait demandé à Ingres de s'inspirer du célèbre Roi Soleil : à la recherche de grandeur, Napoléon copiait les "Grands" au départ.

Portrait de Louis XIV en costume de sacre, 1701, Rigaud
Huile sur toile, 277 cm x 194 cm, Musée du Louvre, Paris

III. Conclusion
Napoléon voulait devenir un empereur aussi puissant que ceux de la Rome antique, et particulièrement César. 
Il est en quête de légitimité.

dimanche 6 avril 2014

LA FEMME AU CHAPEAU de Henri Matisse

La Femme au Chapeau, Henri Matisse, 1905
Huile sur toile, 80.6 cm x 59.7 cm, Museum of Modern Art, San Francisco

I. Présentation
La femme au Chapeau est une des œuvres les plus connues de Henri Matisse, réalisée en 1905, et qui représente la femme du peintre. L’œuvre est achetée par les Stein, une famille américaine un peu après sa parution.
Elle est exposée pour la première fois au Salon d’Automne en 1905.

II. Description et analyse
1. Description formelle
Le tableau est un portrait d'apparat, le modèle étant vêtu à la dernière mode parisienne. Il représente la femme de Matisse qui occupe ici tout l’espace.
Elle est peinte assise, le buste de profil, la tête de trois-quarts. Habillée de façon bourgeoise, elle tient de sa main gantée quelque chose qui ressemble à un sac et sa tête est surmontée par un chapeau. Cheveux rouges brique, visage vert et chapeau multicolore... Ce sont autant de couleurs que le public n’avait pas l’habitude de voir au tout début du 20ème siècle.

2. Exposition au Salon d’Automne
Lors de sa première exposition au Salon d’Automne, l’œuvre s’attire de nombreuses critiques. Elle est qualifiée de «pot de couleurs jeté à la face du public» ou encore de bricolages informes, des tâches de colorations crues jetées au petit bonheur». Cette œuvre est pourtant aujourd’hui mondialement reconnue.
Tout le monde reprochait à l’époque à Matisse d’utiliser des couleurs trop vives et pas appropriées pour ce qu’il fallait peindre : qui aurait eu l’idée de représenter un visage en vert ? 

3. Composition et couleurs du tableau
Les couleurs sont ici très vives, utilisées pures (donc non mélangées entre elles) et différentes du ton local. Ce tableau est donc ici un des premiers du mouvement «fauve», nom trouvé par Louis Vauxcelles dans la phrase qu’il écrira : «C’est Donatello parmi les fauves».

Matisse voulait en fait amener le public à reculer pour percevoir «l’effet» du tableau : par le choix des couleurs éclatantes, le peintre veut non pas décrire ce qu’il voit mais faire ressentir «l’éclat» de son épouse.

III. Lien : La Raie Verte, de Matisse


Portrait de Madame Matisse à la Raie Verte, Henri Matisse, 1905
Huile sur toile, 42.5cm x 32.5cm, Statens Museum of Art, Copenhague
Ce tableau représente lui aussi la femme de Matisse ; du point des couleurs, il est très semblable à La Femme au Chapeau. Pour un article plus détaillé, je vous invite à regarder ici (cliquez, c'est un lien).

LA COLONNE BRISÉE de Frida Kahlo

La colonne brisée, Frida Kahlo, 1944
Huile sur bois aggloméré, 40 cm x 35 cm, Musée de Mexico


I. Présentation
La colonne brisée est un autoportrait de l’artiste mexicaine Frida Kahlo, peint en 1944, alors que les douleurs permanentes qu’elle subit depuis son accident de bus en 1925 s’intensifient. Elle est désormais obligée de porter un nouveau corset, en fer et non plus en plâtre, qui la fait encore plus souffrir.
En plus de souffrir physiquement, elle doit subir les infidélités répétées de son mari Diego Rivera, et leur couple se brise une nouvelle fois.

II. Description et analyse
1. Description
Au premier plan, on peut voir Frida Kahlo, à moitié nue. Son buste est ouvert en deux, pour que l’on puisse voir l’intérieur, où se situe une colonne ionique grecque, brisée en six endroits (en Grèce, on s’en servait pour soutenir les monuments). Une multitude de clous sont fixés sur tout son corps ; on en dénombre 56.
Ses sourcils sont accentués, et font ressortir ces yeux d’où s’échappent des larmes.
A l’arrière-plan, on peut voir un champ désertique qui est lui aussi fendu en plusieurs endroits. On peut noter que la démarcation entre le champ et le ciel bleu se fait au niveau de sa tête.

2. Description géométrique
Le personnage principal occupe plus de la moitié du tableau. Son corset et la démarcation forment des lignes horizontales, parallèles entre elles pour certaines. Elles sont coupées par une ligne verticale qui leur est perpendiculaire, la colonne. La colonne pourrait elle-même être parallèles aux lignes verticales que forment les clous.

3. Analyse
On peut considérer ce tableau comme étant un écorché de ses souffrances. Les larmes, les clous et le corset la représentent.
Avec la colonne ionique qui la traverse, Frida a voulu montrer que comme les monuments anciens, elle avait besoin d’être soutenue. Comme la colonne est cassée en plusieurs endroits, on pourrait penser que Frida est tout près de tomber et de s’effondrer. Elle est donc uniquement retenue par son corset.
Les clous, plantés un peu partout sur son corps, pourraient désigner tous les endroits où elle souffrait au fur et à mesure qu’elle peignait. 
Cependant, elle garde la tête haute, comme si elle avait décidé de prendre sur elle et d’endurer ce supplice toute seule. Les larmes témoignent de sa tristesse, le champ désertique de sa solitude, même si l’on pourrait penser qu’il pourrait représenter son infertilité (en effet, Frida Kahlo ne peut plus avoir d’enfants depuis son accident de bus).

4. Référence biblique
On peut voir dans ce tableau plusieurs références au Calvaire qu’a subi le Christ avant d’être crucifié. 

En effet, l’angle que font la colonne et le haut du corset pourrait rappeler une croix, comme si Frida était sur son Chemin de Croix. Les clous qui la transpercent de toutes parts pourraient nous laisser penser qu’elle est déjà crucifiée. Enfin, le drap blanc qui la cache partiellement pourrait rappeler le Saint-Suaire que portait le Christ au moment d’être crucifié, comme dans le tableau de Grünewald.

Partie du polyptyque Retable d'Issenheim, 1512-1516, Grünewald