samedi 27 décembre 2014

LA DANSE, de Roy Lichtenstein

The Artist's Studio : La Danse, Roy Lichtenstein, 1974
Huile sur toile, 244, 3cm x 325, 5cm, Museum of Modern Art, New York

I. Présentation
1. L’oeuvre
La Danse est un tableau peint par Roy Lichtenstein en 1974. Il fait partie de la série de quatre tableaux «The Artist’s Studio», peinte par Roy Lichtenstein dès 1973. Le tableau représente un atelier de peintre avec plusieurs tableaux non-achevés posés contre les murs. Le plus grand des tableaux, à l’arrière-plan, est une citation de Nature Morte à la Danse d’Henri Matisse.

2. Contexte
Cette citation de Matisse aurait été pour Roy Lichtenstein une manière de lui rendre hommage. D’un autre côté, on pourrait penser que Lichtenstein a cherché à «rendre accessible» à la culture populaire un chef-d’œuvre en le peignant de manière plus simple.


II. Comparaison avec Matisse 

Nature Morte à la Danse, Henri Matisse, 1909
Huile sur toile, Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg

1. Les plans et les objets
La première chose qui saute aux yeux en comparant les deux tableaux, c’est que tous les plans ont été changés. On peut observer un aplatissement de la première peinture, tous les plans ont été rapprochés. D’un autre côté, on peut observer que les objets sur la table ne sont plus les mêmes non plus. 
Du pot de fleur posé sur le tapis de Matisse, il ne reste qu’une petite fleur qui dépasse derrière ce qui semble être des lanières de toile. Des pots à pinceaux, une bouteille et une tasse de café sont apparus. Seuls les citrons demeurent : ils sont présents dans les deux toiles et sont aisément reconnaissables.
On pourrait penser que Matisse a cherché à peindre un atelier d’artiste qui y ressemblerait vraiment : des déchets, des tasses de café, des pinceaux ; il prend des libertés par rapport à l’atelier de Matisse, déchargé de tout objet superflu.

2. Les couleurs
La deuxième chose que l’on remarque est que les couleurs ont été changées. Lichtenstein réduit sa palette au rouge, au bleu, au jaune, au vert et au blanc... Et ces couleurs ne sont jamais dégradées ou fondues avec d’autres. D’ailleurs, les pinceaux présents dans les pots portent tous les mêmes couleurs.
Grâce aux couleurs, Roy Lichtenstein donne l’impression d’une case de bande-dessinée, effet renforcé par un dessin simplifié à partir de l’original.
D’un autre côté, on peut aussi noter que les couleurs de La Danse de Matisse ont été changées. C’est comme si Roy Lichtenstein avait fait une auto-citation d’une peinture de La Danse qu’il aurait lui-même réalisée auparavant en prenant pour modèle celle de Matisse.

3. La technique
Pour réinterpréter ce tableau, Roy Lichtenstein emploie des moyens qui lui sont propres comme les "points Benday" et les grands aplats de peinture vive, ainsi que les cernes noirs qui entourent les formes de ses tableaux.
Les "points Benday", peint à l’aide d’une grille métallique, permettent peut-être à l’artiste de pointer du doigt la «reproduction mécanique» de certaines choses.

III. Liens
1. Sound of Music, de Roy Lichtenstein


Sound of Music, Roy Lichtenstein, 1965
Huile sur toile, 122cm x 142cm, Gagosian Gallery, New York

Dans la partie supérieure droite du tableau de Matisse est peinte une fenêtre. Dans La Danse de Roy Lichtenstein, l’artiste pratique une auto-citation en remplaçant la fenêtre d’origine par un de ses propres tableaux, qui représente une fenêtre ouverte. L’effet d’optique pourrait donc laisser croire que Sound of Music est en réalité une fenêtre ouverte.

2. La Danse, de Matisse


La Danse, Henri Matisse, 1909
Huile sur toile, 260cm x 391cm, Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg

Il existe en réalité deux versions du tableau La Danse de Matisse. Cependant, il semblerait que ce soit du tableau «fauve», aux couleurs les plus vives, dont se soit inspiré Roy Lichtenstein.

IV. Conclusion

The Artist’s Studio : La Danse est un moyen pour Roy Lichtenstein de rendre hommage à Matisse en citant son tableau Nature Morte à la Danse

mercredi 26 novembre 2014

LES MENINES, de Diego Velasquez

Les Ménines, Diego Velasquez, 1656
Huile sur toile, 3m x 2.75m, Musée du Prado, Espagne

I. Présentation
1) L’œuvre
Les Ménines (aussi connu sous le nom de Las Meninas ou La Famille de Philippe IV) est un tableau peint par Diego Velasquez en 1656. Il représente l’Infante Marguerite-Thérèse, entourée de deux ménines (ses demoiselles d’honneur) et de divers autres personnes. Le tableau est exposé au Musée du Prado. Il est endommagé lors d’un incendie en 1734, mais il est restauré peu de temps après.

2) Contexte
Lorsque le tableau est peint, l’Infante est la seule héritière au trône d’Espagne ; à cette époque, toute la partie gauche du tableau était cachée par un grand rideau rouge. Un garçon tendait un bâton de commandement à Marguerite-Thérèse, faisant de ce tableau une scène symbolique en représentant la passation de pouvoir à l’enfant sous les yeux des parents (visibles dans un miroir au fond de la salle).
Cependant, l’année 1657 amène un nouvel héritier mâle au trône d’Espagne, d’autant plus que l’enfant ne meurt pas prématurément. Ainsi, sous les ordres de Philippe IV, Diego Velasquez est amené à remplacé le bâton de commandement : il se représente donc lui-même en train de peindre le couple royal, que l’on peut toujours voire reflété dans le miroir.

II. Description et analyse
1) La structure du tableau
Le tableau est divisé en quarts de manière horizontale. Si les personnages sont nombreux, ils n’occupent cependant que la moitié inférieure du tableau. Les personnages sont représentés en perpective : il n’y a qu’un seul point de fuite. On peut compter sept zones de profondeur dans le tableau. La lumière provient de la droite, et éclaire l’Infante, permettant ainsi d’en faire le personnage principal du tableau.
A l’arrière-plan, on peut observer les réflexions du Roi et de la Reine dans un miroir. Il pourrait s’agir, d’une part, de la réflexion du tableau qu’est en train de peindre Velasquez, ou bien, d’autre part, du Roi et de la Reine eux-mêmes qui posent pour Velasquez. Dans tous les cas, leur présence donne un aspect solennel au tableau ; ils se contentent de contempler la scène, tout comme le spectateur.

2) Les personnages
a) L’Infante et ses Ménines


Ces trois personnages là sont les plus éclairés du tableau, la lumière les visant directement. Cependant, même si la lumière vient frapper la joue de la ménine de droite, son visage et ses vêtements restent sombres, au contraire de l’Infante qui semble renvoyer la lumière. Elle est donc bien le personnage principal, mis en évidence par le jeu de luminosité. Les deux ménines, quant à elles, semblent se réfléchirent l’une et l’autre.

b) Le nain, la naine et le chien

Ces trois personnages là forment un groupe sans grande importance dans le tableau. A l’époque, les nains étaient utilisés pour divertir les nobles, comme ici pour la famille royale. Leurs visages et habits restent flous et sombres.





c) Le peintre



Diego Velasquez s’est donc représenté lui-même lors de la modification engendrée par la naissance d’un nouvel héritier. Il porte sur son torse la croix rouge caractéristique de l’ordre de Santiago, qu’il ne recevra pourtant qu’en 1959, soit trois ans après l’achèvement du tableau. Elle aurait donc été rajoutée après coup, peut être même par quelqu’un annexe après la mort du peintre. Velasquez, ainsi que la naine, fixent tous les deux le Roi et la Reine, ou bien le spectateur, créant une sorte de tension visuelle.




d) La chaperonne et le garde

En cinquième zone de profondeur, on retrouve une chaperonne et un garde. Ils représenteraient à eux deux les alter-ego du Roi et de la Reine, comme les deux ménines qui se réfléchissent. Ils occupent en effet les mêmes fonctions que les souverains : veiller et protéger l’Infante. Leurs visages sont sombres et peu éclairés.

e) Nieto Velasquez



En septième zone de profondeur se trouve un homme. Il est bien rendu visible à cause du contraste entre ses habits noirs et la lumière derrière lui, mais son visage est incertain, flou, trop sombre. Cet homme paradoxal, à la fois visible et caché, serait un parent de Diego Velasquez. Il tient dans sa main une poignée de porte, et montre derrière lui une pièce vide.





III. Liens
1) Las Meninas, de Pablo Picasso

Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne
Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne

Las meninas est une série de 58 tableaux peints par Pablo Picasso en 1957, soit 300 ans après l’œuvre originale. Il interprète alors le tableau de beaucoup de manières différentes, jouant sur les décompositions des faces. Picasso était connu pour être un admirateur de Velasquez ; il légua d'ailleurs l'intégralité de ses peintures au Musée de Barcelone.
Dans les tableaux, les couleurs sont tour-à-tour variées ou bien monochromes.

2) Les Epoux Arnolfini, de Jan Van Eyck

Les Epoux Arnolfini, 1434, Jan Van Eyck
Huile sur chêne, 82cm x 60cm, National Galery, Londres, Angleterre

Il est très probable que Velasquez se soit inspiré de ce tableau, tout particulièrement en ce qui concerne le miroir rond placé à l’arrière du tableau. Dedans y sont reflétés les deux époux et le peintre, qui ne peint pas mais fait office de témoin dans ce mariage des époux Arnolfini.
Le tableau est d’ailleurs remplis de symboles autour du thème du mariage : le chien pour la fidélité, le fruit pour le péché originel ; le lustre, dont une seule bougie est allumée, est symboliquement la présence divine.
De plus, il semblerait que le tableau ait longtemps été accroché au palais de Philippe IV, notamment durant la période ou Velasquez peignait Les Ménines.

IV. Conclusion

Les Ménines est considéré comme un chef-d’œuvre de la peinture espagnole ; aujourd’hui, Diego Velasquez en est un des principaux représentants. Il est toujours considéré comme l’un des maîtres de la peinture universelle.

dimanche 2 novembre 2014

HORS-SÉRIE : NIKI DE SAINT PHALLE



I. Biographie succinte
1) Des débuts peu communs
Nana, Niki de Saint Phalle, sculpture.
Niki de Saint Phalle est une sculptrice, peintre, plasticienne et réalisatrice française née le 29 octobre 1930 et morte le 21 mai 2002 à l’âge de 71 ans.
Elle n’a jamais suivi de formations ni d’apprentissages artistiques. S’inspirant de plusieurs courants de peinture, elle commence à peindre en 1952 selon ses propres méthodes et son propre point de vue. Elle est, durant cette période, enfermée dans un hôpital psychiatrique suite à une grave dépression. Elle dira elle-même : «J’ai commencé à peindre chez les fous.»
Niki est particulièrement connue pour ses séries de tableaux Tirs, et ses sculptures monumentales Nana.

2) Un nouveau courant artistique

Dès 1961, elle rejoint le mouvement du Nouveau Réalisme, fondé par Yves Klein en 1960. Ce mouvement est considéré comme une version française du Pop Art américain, et met en avant le retour à la réalité et l’objet comme matériau, à l’instar des ready-made de Marcel Duchamp.

II. La peinture et les créations plastiques
1) Tir à la carabine
C’est sa manière peu particulière de peindre qui a permis à Niki de se faire connaître dès 1960. Elle suivait toujours le même rituel, parfois accompagnée d’autres artistes.
Pour réaliser son œuvre, elle plaçait dans un endroit abandonné, un terrain vague, au fond d’une cour, une toile peinte en blanc à laquelle était accroché des poches pleines de peinture, de shampoing, ou d’autres substances du même genre. A une certaine distance, et souvent habillée de blanc, elle tirait à la carabine sur les sacs, de manière à ce que les substances se déversent sur la toile.


Peinture au fusil par Niki de Saint Phalle


Elle dira elle-même qu’elle s’imaginait la peinture en train de couler comme du sang coulerait d’un homme blessé. Elle ne tirait par sur une toile, mais sur le Mal. C’était un meurtre sans victime et son geste, aux premiers abords destructeur, devenait créateur.

2) Une enfance marquée
Si elle utilisait cette manière aussi particulière de créer, c’était pour se venger de profondes blessures qu’elle avait subies. En effet, c’est seulement à l’âge de soixante-quatre ans, dans son livre parut en 1994 intitulé Mon Secret, qu’elle révèle qu’elle avait été violée par son père à onze ans. En premier lieu, son travail lui permettait de purger toute la colère et la tristesse qu’elle ressentait à l’époque et d’exprimer son indignation face aux injustices faites sur les personnes innocentes.

III. Présentation d'œuvres
1) Portrait of my lover

Portrait of my lover, 1961, Niki de Saint Phalle
Une de ses œuvres les plus connues, Portrait of My Lover, fait partie de sa série de peinture-arts plastiques Tirs. Pour le réaliser, elle a assemblé sur une toile une chemise volée à un amant plutôt insistant dont elle essayait de se débarrasser et, à la place de la tête, une cible où les visiteurs étaient sensés devoir tirer.

2) Autel du chat mort


Autel du chat mort, peinture et sculpture, 1963
Niki de Saint Phalle

Ce qui est très intéressant chez Niki de Saint Phalle, c’est que dans chaque œuvre elle cherchait à créer de nouvelles formes, de nouvelles couleurs, de nouveaux arrangements entre les différents objets qui formait au final son œuvre. Elle ne s'arrêtait de tirer que lorsqu'elle jugeait que le résultat obtenu était beau.

Autel du chat mort est une de ses créations les plus sombres. Elle est faite d'un autel, au centre duquel on trouve la Vierge Marie. La peinture rouge qui a dégouliné fait penser à du sang. Sur une des parois, un chat est accroché. Cette œuvre l'amènera à se poser de grandes questions à propos d’elle-même et de son travail. Ainsi, elle déclarera : «La peinture était la victime, mais QUI était la victime ? Papa ? Tous les hommes ? Les petits hommes ? Les grands hommes ? Les gros hommes ? Les hommes ? Mon frère John ? Ou alors cette peinture, c’était MOI : est-ce que je me tirais dessus selon un rituel qui me permettait de mourir de ma main et de renaître ? J’étais immortelle !... Je tirais sur moi-même, sur la société et ses injustices. Je tirais sur ma propre violence et sur toutes les violences de tous les temps. En tirant sur ma propre violence, je n’avais plus besoin de la porter avec moi comme un poids...»

Elle jugeait donc qu'en tirant sur "elle-même", elle vengeait toutes les autres personnes des injustices qui pouvaient leur avoir été faites.

III. Conclusion
Pour des raisons de santé, elle s’installe définitivement à La Jolla, en Californie. Elle meurt d’insuffisance respiratoire (due aux poussières de polyester qu’elle utilisait pour ses sculptures) à l’hôpital de San Diego, aux Etats-Unis.


dimanche 12 octobre 2014

LA LIBERTÉ GUIDANT LE PEUPLE de Delacroix

La liberté guidant le peuple, Eugène Delacroix, 1830
Huile sur toile, 260 cm x 325 cm, Musée du Louvre, Paris
I. Présentation
1) Contexte
La liberté guidant le peuple est un tableau peint par Eugène Delacroix en 1830 à la suite des manifestations populaires qui ont renversé le Roi Charles X du trône de France les 27, 28 et 29 juillet 1830.
Eugène Delacroix, témoin des évènements précédents, décide de les traduire en peinture. 

2) Le courant artistique
Ce tableau s’inscrit dans le mouvement artistique du romantisme ; les peintres cherchent à faire ressortir la passion, les mouvements, les couleurs et les détails. Ce mouvement caractérise le 19eme siècle, et plus particulièrement la première moitié, jusqu’aux années 1850.

II. Description et analyse
1) Description formelle

Au premier plan du tableau, mise en évidence et éclairée par une lumière blanche, marchant sur des corps de gens morts, se trouve une fille du peuple. Elle porte des habits datant de l’Antiquité Grecque, sa poitrine est découverte. Cependant, sur sa tête, on reconnait le bonnet phrygien ; dans sa main droite, elle tient le drapeau français, dans sa main gauche, une baïonnette. A ses pieds se trouve un paysan avec un foulard sur la tête, probablement blessé. Son regard tourné vers elle renforce l’idée qu’elle est le personnage principal du tableau.
La scène se déroule à Paris : on peut en effet apercevoir à l’arrière-plan, émergeant de la fumée, les tours de la cathédrale Notre-Dame.
La troupe de manifestants est en train de franchir une barricade. En plus de la femme, on repère d’autres personnages, dont deux garçons des rues. Le premier, à droite, brandit deux pistolets en enjambant la barricade en même temps que la femme. Le deuxième est agrippé aux pavés qui ont permis de construire la barricade. Un homme avec un haut-de-forme émerge distinctement de la foule. On pourrait penser que c’est un bourgeois à cause de ses vêtements, mais son pantalon est celui d’un ouvrier. Il est suivi d’un autre ouvrier, sabre à la main.

2) Structure et couleurs du tableau


Les couleurs dans le tableau sont majoritairement chaudes. Les couleurs que l’on voit le plus sont celles du drapeau, qui ressortent d’autant plus qu’elles sont source de lumière dans le tableau.

3) Symbolique du tableau
La femme coiffée d’un bonnet phrygien évoque la Révolution Française de 1789, et, à travers son personnage, la souveraineté de la nation. Elle peut être assimilée à la Marianne française ; elle serait donc l’allégorie de la liberté dans le tableau. Elle guide en effet un peuple victorieux et courageux vers la liberté. Ce tableau devient, au fur et à mesure, un symbole pour la nation.

III. Liens
Gavroche, de Victor Hugo

«A force d'aller en avant, il parvint au point où le brouillard de la fusillade devenait transparent. Si bien que les tirailleurs de la ligne rangés et à l'affût derrière leur levée de pavés, et les tirailleurs de la banlieue massés à l'angle de la rue, se montrèrent soudainement quelque chose qui remuait dans la fumée.
   Au moment où Gavroche débarrassait de ses cartouches un sergent gisant près d'une borne, une balle frappa le cadavre.
   - Fichtre ! fit Gavroche. Voilà qu'on me tue mes morts.

   Une deuxième balle fit étinceler le pavé à côté de lui. Une troisième renversa son panier. Gavroche regarda, et vit que cela venait de la banlieue.»

Les Misérables, Victor Hugo, Cinquième partie, Livre I, Chapitre 15 «Gavroche dehors»

L'extrait ci-dessus est tiré de l'œuvre Les Misérables, écrit par Victor Hugo en 1862. Comme on peut le constater, la description de la barricade est très semblable au tableau de Delacroix. Il ne serait pas improbable de penser que Victor Hugo s'en serait inspiré pour rédiger ce chapitre. De plus, le garçon des rues devant la Liberté pourrait être Gavroche, trente ans avant sa véritable parution.

IV. Conclusion
Le tableau peint par Delacroix reçut un mauvais accueil de la part du nouveau Roi Louis-Philippe et des critiques, en partie à cause des détails très novateurs et réalistes. Delacroix a décidé de peindre le combat dans la boue et le sale, alors qu'on avait tendance à l'époque à enjoliver les combats.
Louis-Philippe finit par acheter le tableau pour 3000 francs, et le cache au Musée du Luxembourg.

Il ne faut pas confondre ce tableau avec une scène de la Révolution Française ! Même si le peintre s'en est inspiré, ce sont des évènements qui ont lieu un demi-siècle plus tard dont parle le tableau.

jeudi 15 mai 2014

LES DEUX FRIDAS de Frida Kahlo

Problématique pour l'Histoire des Arts : Pourquoi peut-on dire que la souffrance est l'élément essentiel de tableau Les Deux Fridas ?

Les Deux Fridas, Frida Kahlo, 1939
173.5 cm x 173 cm, Huile sur toile, Musée d'Art Moderne, Mexico

I. Présentation
Les Deux Fridas est un des nombreux autoportraits de l’artiste Frida Kahlo, peint en 1939 à la suite de la rupture entre cette dernière et son mari, Diego Rivera. Ce tableau est un double-autoportrait, ce qui est plutôt inhabituel en peinture, puisque l’artiste y est représentée deux fois. Contrairement aux autres oeuvres de l’artiste qui sont essentiellement des autoportraits, celle-ci est plus grande que les autres tableaux (173,5 x 173 cm). Nous sommes ici en présence d’un portrait en pied, c’est à dire que tous les membres des personnages sont visibles. Les deux femmes font la taille d’êtres humains réels.

II. Description et analyse
1. La Frida de gauche
Au premier plan, on peut voir les deux Fridas, qui se tiennent par la main. L’arrière-plan représente un ciel orageux.
La Frida de gauche porte une robe de mariée blanche. Son coeur, visible sur sa poitrine, est ouvert et écorché. Elle tente, à l’aide d’une pince, d’empêcher le sang qui vient d’une de ses veines de couler. Son visage est très pâle, et le sang qui coule se confond avec les motifs fleuris de sa robe ; cela pourrait signifier entre autres que l’artiste cachait ses souffrances.

2. La Frida de droite
De l’autre côté, on retrouve une Frida dans sa robe traditionnelle mexicaine. Elle prône ainsi son appartenance au Mexique, qu’elle aura revendiqué toute sa vie et dont elle est très fière. Les couleurs dominantes sont le bleu du haut de la robe, qui chez elle signifie l’amour et la distance, puis le jaune-verdâtre de la jupe, qui se rapporte à la folie. Ainsi, la robe a elle seule signifierait probablement que l’artiste, devient folle lorsqu’elle son amour, Diego Rivera, est loin d’elle. Cependant, ses jambes écartées sous sa robe et sa moustache très apparente sont le signe ici d’une Frida masculinisée, forte. Son coeur semble en bonne santé, et des veines relient les deux personnages comme si ils étaient dépendants l’un de l’autre.

Dans sa main gauche, on peut remarquer un minuscule portrait : à regarder de plus près, on peut distinguer un portrait miniature de Diego, son amant puis mari, dont elle vient de divorcer. Il est représenté lorsqu’il était jeune. Le portrait est entouré par des veines provenant du coeur de Frida, ce qui pourrait paradoxalement signifier que Frida a besoin de Diego (celui qui lui a littéralement brisé le coeur) pour vivre. Ce n’est pas la première fois que Frida utilise dans ses tableaux des liens, qui semblent lui être douloureux, et dont elle se sert aussi pour exprimer sa souffrance, comme dans Autoportrait au collier d’épines et au colibri.


Autoportrait au collier d’épines et au colibri, Frida Kahlo, 1940
Huile sur toile, 62 cm x 47.6 cm

3. Explications
La Frida de gauche est désespérée d’avoir perdu son grand amour, Diego Rivera. Son coeur saigne. Sa robe blanche témoigne d’une femme mariée ; par déduction, la femme de droite est la femme divorcée, qui supporte l’éloignement avec Diego, qui est forte et qui sait faire face.
L’artiste symbolise ici le rôle vital de son mari dans sa vie, car lorsqu’il n’y a pas de portrait relié à son coeur, le sang de Frida se met à couler.
D’après le journal intime de Frida Kahlo, on sait aujourd’hui qu’elle se représentait parfois une amie imaginaire, une sorte de double d’elle-même qui était tout ce à quoi elle aspirait :  être une femme normale, forte pour son enfant, l’enfant étant ici la Frida de gauche. En effet, elle lui tient la main d’une manière qui laisserait penser qu’elle est à son chevet.

IV. Conclusion
La souffrance est omniprésente dans ce tableau, depuis le coeur écorché au ciel orageux, qui occupe les deux tiers de l’arrière-plan et qui pourrait symboliser le tourment de son esprit. 
De plus, les veines du coeur blessé faisant le tour de ses membres, on peut penser que l’artiste a encore une fois voulu peindre sa souffrance physique.
Dans ce tableau, la douleur est donc aussi bien physique que mentale.

Réponse à la problématique : Chaque élément a ici une signification, qui ramène à chaque fois à la souffrance que subit l’artiste. On peut donc bien dire que la souffrance est l’élément essentiel du tableau Les Deux Fridas.

jeudi 8 mai 2014

AUTOPORTRAIT A LA ROBE DE VELOURS de Frida Kahlo

Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée

I. Présentation
1) Le tableau
Autoportrait à la robe de velours est seulement le deuxième tableau de Frida Kahlo. Peint juste après son accident de bus (qui lui laissera des séquelles terribles), elle le confiera dans un premier temps à Diego Rivera, un célèbre peintre mexicain, qui sera plus tard son amant puis mari.

2) Une vocation
En voyant le tableau, Diego Rivera réalisa tout de suite que la jeune fille avait un don, sinon un talent certain pour la peinture. C’est lui qui la poussera à se lancer dans ce domaine et qui l’encouragera une grande partie de sa vie.

II. Description et analyse
1) Description formelle
Frida s’est peinte ici elle-même, car c’est un autoportrait. Elle s’est représentée avec un grand décolleté, plutôt osé pour une fille de 19 ans à son époque. Même si elle accentue déjà beaucoup ses sourcils, elle paraît très féminine, plus que dans les autres autoportraits qui suivront les années suivantes. La main, dans la partie inférieure du tableau, semble inviter le spectateur à la rejoindre.

2) Pourquoi Frida aurait peint ce tableau
Avant son accident, Frida et Alejandro Gomez Arias étaient amants. Mais quand elle se retrouve partiellement et temporairement paralysée, il se détourne d’elle. Ce tableau avait pour but premier de le faire revenir, en lui montrant combien elle tenait à lui et en lui disant qu’elle l’aimait encore.

3) Couleurs
L’arrière-plan très foncé fait ressortir sa peau et surtout son visage. D'après le journal intime de Frida, le bleu signifiait l’amour et la distance. Le rouge avait pour elle un rapport avec le sang. Les couleurs en elles-mêmes indiqueraient que la distance avec son amour la fait souffrir.

III. Liens
1) Portrait d'Anna Zborowska, Modigliani

Portrait d'Anna Zborowska, 1918, Modigliani
Huile sur toile, 55 cm x 35 cm
Galerie Nationale d'Art Moderne, Rome
Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée



























On peut aisément faire le rapprochement entre les deux tableaux ci-dessus. Les deux personnages présentent tous les deux des visages ayant une forme ovale parfaite, deux yeux rapprochés, des décolletés plongeant et surtout, deux cous très allongés, qui étaient d'ailleurs une sorte de marque de fabrique pour Modigliani.

IV. Conclusion
Si Frida peint ce tableau, c'est aussi une forme de cadeau de rupture pour son ancien amant qui ne reviendra pas. Elle se peint belle et mystérieuse, désormais inaccessible. Elle épouse finalement Diego Rivera trois ans plus tard, le 21 août 1929.

lundi 5 mai 2014

LA GUERRE d'Otto Dix

La Guerre, Otto Dix, 1929-1932
Tempera sur bois, 204 x 204 cm (panneau central) et 204 x 102 cm (panneaux latéraux)

I. Présentation
1) Le tableau
La Guerre est un tableau réalisé entre 1929 et 1932 par le peintre Otto Dix et qui parle de la Première Guerre Mondiale. Dans cette œuvre, il peint ce qu’il a pu vivre lors de la Grande Guerre, dans laquelle il s’était engagé en 1914. 

2) Format du tableau
Ce tableau est un polyptyque composé de trois panneaux, c’est à dire un triptyque. Il rappelle les retables de la Renaissances, qui étaient situés dans les églises. C’est une œuvre de grande taille, d'environ 4 mètres par 2.

II. Description des panneaux
1) Le panneau de gauche
Le panneau de gauche représente des soldats qui s’en vont combattre, fusils vers le haut, alors que le jour est à peine en train de se lever. Ils tournent le dos au spectateur. Le roue de charrette arrachée et la brume laissent penser que les soldats sont dans un paysage à la fois détruit et désertique, ravagé par la guerre. Sur le dos, ils portent tout leur matériel de soldat, qui devait peser plus de 30 kilos.

2) Le panneau du milieu
Le panneau du milieu est la représentation des horribles conditions de vie et d’hygiène qui étaient devenues le commun pour les soldats. A droite, on peut voir un amoncellement de cadavres, corps sans vies empilés les uns sur les autres et rongés par les vers. L’homme au sommet de la pile de corps semble agoniser et demander de l’aide en tendant la main pour montrer qu’il est toujours vivant, mais personne ne semble disposé à venir l’aider. Son corps est criblé de balles et couvert de pustules ; un ver de terre lui sort de la bouche, et ses yeux semblent déjà vides de toute vie. 

Au sommet du panneau du milieu, un cadavre empalé sur ce qu’il reste d’un ancien bâtiment, probablement détruit par un obus. Son squelette auquel il manque des membres pointe du doigt le tas de cadavres, comme pour en dénoncer l’atrocité. Un peu en retrait, caché derrière des sacs, on peut voir un soldat portant un masque à gaz enveloppé dans une couverture. Aucune partie de son corps n’est réellement visible. Il aurait tout aussi bien pu être un cadavre. Il regarde le corps agonisant du soldat au sommet de la pile de morts, mais ne semble rien faire pour l’aider. C’est comme si on lui avait retiré son humanité : il ne reste qu’un corps humain insensible. Encore une fois, personne ne regarde le spectateur. Le paysage en arrière-plan est désertique. Le village à gauche est en ruines et le terrain à droite est creusé de trous d’obus.

3) Le panneau de droite
Sur le panneau de droite, le peintre a réalisé un autoportrait de lui-même, et s’est représenté en sauveur d’un soldat blessé à la tête. Il est dans ce tableau le seul personnage à regarder le spectateur dans les yeux ; il le fixe ici de manière intense. Alors que le ciel au-dessus de lui est de couleur noire, Otto Dix semble éclairé par un rayon de lumière, qui fait de lui la partie la plus lumineuse du tableau, comme en signe d’espoir. A ses pieds se trouvent des cadavres et un soldat agonisant. 

4) Le panneau du bas
Le panneau du bas peut aussi être appelé «prédelle». Le peintre y a représenté ce qui ressemble à une tombe, scellée par le haut, et où reposent les soldats morts. Une autre version consisterait à dire que les soldats sont seulement endormis, mais la pâleur presque cadavérique de l’homme au premier plan laisse supposer qu’il est vraiment mort.

II. Couleurs et structure du tableau
1) Couleurs
Les couleurs principales de ce tableau sont le rouge et le marron. Le rouge est ici symbole de violence : il représente tantôt le ciel tourmenté, tantôt les organes des corps déchiquetés par une bombe. C’est une couleur que le peintre a choisie car on l’associe directement au sang et à la mort qui plane en permanence au-dessus des soldats. Le marron ocre est la seule couleur qu’il était donné à voir au soldat d’après le peintre. C’est la couleur de la terre des tranchées et des uniformes sales.

2) Structure
Le triptyque La Guerre serait pour Otto Dix une manière de décrire le quotidien des soldats, qui partent combattre matin et meurent le soir. Le peintre raconte alors ce qu’il a vécu à travers la peinture.

III. Liens
1) Assaut sous les gaz, une autre œuvre d'Otto Dix


Assaut sous les gaz, Otto Dix, 1924
Gravure aquatinte, 35.3 cm x 47.5 cm, Musée historique allemand

Cette gravure représente des soldats portant des masques à gaz courant ou avançant vers le spectateur. Comme dans La Guerre, Otto Dix a cherché à représenter l'inévitable mort qui plane sur les soldats. Le plan rapproché et la déshumanisation des assaillants due aux masques à gaz donne au spectateur une impression de danger ; leurs armes leur donnent un côté barbare. Ils semblent sortir d'une tranchée et les gaz autour d'eux donnent l'impression d'êtres fantomatiques et déjà morts.
Cette œuvre fait partie d'une série de gravures qu'a réalisées Otto Dix avant de peindre La Guerre.

2) Le retable d'Issenheim, une référence religieuse

Le Retable d'Issenheim, Matthias Grünewald, 1512-1516
Tempera et huile sur bois, Musée Unterlinden, Colmar (Allemagne)


Le Retable d'Issenheim est, à l'instar de La Guerre, un triptyque réalisé lors de la Renaissance par Grünewald. Otto Dix y fait référence dans son tableau, en associant le Christ crucifié au personnage squelettique empalé sur un reste d'architecture.













Les deux personnages sont vêtus de haillons. Tous deux ont beaucoup soufferts, et leurs corps sont extrêmement amaigris (le mort d'Otto Dix n'ayant plus que son squelette).
Tout deux sont, pour Otto Dix, des personnages permettant de rappeler les horreurs que peut donner la guerre ou que peuvent engendrer les hommes.





IV. Conclusion
Le tableau La Guerre est donc une œuvre qu’a peinte Otto Dix afin de montrer à tous l’enfer qu’avaient connu les soldats lors de la Grande Guerre. Souhaitant témoigner de sa propre expérience, il nous met en garde contre les dommages que peuvent faire les hommes. En se représentant comme notre sauveur, il veut en réalité nous sauver de la bêtise que serait une deuxième guerre.