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dimanche 28 décembre 2014

L'HÔPITAL HENRY FORD, de Frida Kahlo

L'hôpital Henry Ford, Frida Kahlo, 1932
Huile sur métal, 32.5cm x 40.2cm, Musée Dolores Olmedo, Mexique

I. Présentation 
1) L’œuvre
L’hôpital Henry Ford ou Le Lit Volant est un autoportrait peint par Frida Kahlo en 1932. Ce tableau traduit la souffrance que ressent la peintre lorsqu’elle apprend qu’elle ne pourra jamais plus avoir d’enfant.

2) Contexte
Agée de 18 ans, Frida Kahlo subit un accident de bus qui lui laissera des séquelles considérables. Son abdomen est transpercé par une barre de métal, qui ressort par le vagin. C’est cet accident qui l’empêchera plus tard d’avoir des enfants avec son mari, Diego Rivera. 
En 1932, elle vient de faire sa première fausse couche. Elle peint ce tableau depuis son lit d’hôpital, la même semaine.

II. Description et analyse
1) Frida et le décor
Frida Kahlo s’est représentée elle-même sur un lit d’hôpital qui semble flotter dans les airs, entièrement nue, gisant dans des draps tachés de sang. Elle le seul personnage vivant du tableau et est peinte beaucoup plus petite que l’espace disponible ; c’est pour elle une manière de se représenter seule dans sa douleur. Sur sa joue, on distingue une larme blanche : elle semble souffrir en silence, dignement.
Derrière elle s’étendent des usines, univers inhospitalier d’Amérique, loin de son Mexique natal qui lui manque. Seule dans cette immense plaine, elle se représente perdue.

2) La première rangée de liens



Frida tient dans sa main gauche des fils rouges, sortes de liens avec elle-même. Au-dessus d’elle, sont peints trois éléments.
Au centre, se trouve son fœtus mort, qu’elle appelera «Dieguito» (soit «Petit Diego» en espagnol, en référence à son mari Diego Rivera). Son enfant est cependant représenté bien formé et vivant, ce qui n’est pas le cas dans la vraie vie : on lui remettra son bébé dans un pot, les différentes parties de son corps n’étant pas sorties en même temps. Pour le peindre, Frida a pris exemple sur une illustration dans un livre. Le lien qui relie le fœtus à sa mère est son cordon ombilical.
A gauche, Frida Kahlo a peint une «coupe» de corps de femme. Elle dit que c’était un moyen pour elle d’expliquer comment marchait un accouchement, et en l'occurrence, de montrer pourquoi cela n’avait pas été possible. Elle semble faire de son bassin la principale cause pour laquelle elle ne peut plus avoir d’enfants. Tous les autres objets sont reliés, à l’instar du fœtus, par liens qui semblent être des cordons ombilicaux. Ce sont donc des facteurs de sa grossesse, des prolongements de sa fausse-couche.
Enfin, à droite, un escargot est peint. L’artiste dira que c’était pour dépeindre la lenteur de sa fausse couche, interminablement longue et pénible.

3) La deuxième rangée de liens


Dans la partie inférieure du tableau sont représentés trois autres éléments.
A gauche est peint une machine, part importante de sa grossesse, qui dépeint l’impersonnalité du service hospitalier et la sensation d’être seule face à une machine.
Au milieu, Frida Kahlo a peint une orchidée, qui est un cadeau que lui a fait Diego Rivera, son mari, lorsqu’elle était à l’hôpital. Si Frida accouche aux Etats-Unis et non pas au Mexique comme elle l’aurait voulu, c’est parce qu’elle a voulu suivre son mari qui devait peindre une œuvre dans ce pays. L’orchidée rappelle alors qu’elle n’oublie pas son mari (c’est d’ailleurs la seule trace que le tableau porte de lui, en plus du bébé qui est le sien).
A droite, un bassin fracturé est peint : faisant échos à la coupe de bassin au rang supérieur, il montre une nouvelle fois les raisons pour laquelle Frida ne pourra jamais avoir d’enfant.
On peut noter que les différents éléments semblent aller deux par deux : les deux représentations de bassin pour expliquer les raisons pour lesquelles elle ne peut pas accoucher, le fœtus et l’orchidée qui rappellent son mari Diego Rivera et l’escargot et la machine, pour symboliser la lenteur et la dureté du processus de sa grossesse et de sa fausse-couche.

III. Liens
1) Naissance ou Ma Naissance, de Frida Kahlo

Ma naissance, Frida Kahlo, 1932
Dans ce tableau peint peu après L’hôpital Henry Ford, Frida Kahlo réutilise son expérience de sa fausse-couche pour peindre ce qui semble être sa naissance à elle. Cela pourrait encore une fois être un moyen pour elle de se libérer de ce souvenir qui la hante.

2) L’industrie de Detroit, de Diego Rivera

L'Industrie de Detroit, Diego Rivera, 1932-1933
Peinture murale, Detroit

Cette fresque, aussi appelée L’Homme et la Machine, est contemporaine au tableau de Frida et pour cause : c’est la fresque peinte par Diego Rivera pendant que sa femme était à l’hôpital. C’est pour peindre cette fresque que Rivera emmène sa femme jusqu’aux Etats-Unis.
D’autre part, les usines dont s’est inspiré Diego Rivera appartiennent surtout à un certain Henry Ford... Le même que celui qui a donné son nom à l’hôpital dans lequel est internée Frida.

IV. Conclusion

Peint peu de temps après sa fausse-couche, ce tableau est un moyen pour Frida Kahlo de d’éloigner d’elle la douleur qu’elle ressent. Cet autoportrait est un des plus durs jamais peints par l’artiste.

jeudi 15 mai 2014

LES DEUX FRIDAS de Frida Kahlo

Problématique pour l'Histoire des Arts : Pourquoi peut-on dire que la souffrance est l'élément essentiel de tableau Les Deux Fridas ?

Les Deux Fridas, Frida Kahlo, 1939
173.5 cm x 173 cm, Huile sur toile, Musée d'Art Moderne, Mexico

I. Présentation
Les Deux Fridas est un des nombreux autoportraits de l’artiste Frida Kahlo, peint en 1939 à la suite de la rupture entre cette dernière et son mari, Diego Rivera. Ce tableau est un double-autoportrait, ce qui est plutôt inhabituel en peinture, puisque l’artiste y est représentée deux fois. Contrairement aux autres oeuvres de l’artiste qui sont essentiellement des autoportraits, celle-ci est plus grande que les autres tableaux (173,5 x 173 cm). Nous sommes ici en présence d’un portrait en pied, c’est à dire que tous les membres des personnages sont visibles. Les deux femmes font la taille d’êtres humains réels.

II. Description et analyse
1. La Frida de gauche
Au premier plan, on peut voir les deux Fridas, qui se tiennent par la main. L’arrière-plan représente un ciel orageux.
La Frida de gauche porte une robe de mariée blanche. Son coeur, visible sur sa poitrine, est ouvert et écorché. Elle tente, à l’aide d’une pince, d’empêcher le sang qui vient d’une de ses veines de couler. Son visage est très pâle, et le sang qui coule se confond avec les motifs fleuris de sa robe ; cela pourrait signifier entre autres que l’artiste cachait ses souffrances.

2. La Frida de droite
De l’autre côté, on retrouve une Frida dans sa robe traditionnelle mexicaine. Elle prône ainsi son appartenance au Mexique, qu’elle aura revendiqué toute sa vie et dont elle est très fière. Les couleurs dominantes sont le bleu du haut de la robe, qui chez elle signifie l’amour et la distance, puis le jaune-verdâtre de la jupe, qui se rapporte à la folie. Ainsi, la robe a elle seule signifierait probablement que l’artiste, devient folle lorsqu’elle son amour, Diego Rivera, est loin d’elle. Cependant, ses jambes écartées sous sa robe et sa moustache très apparente sont le signe ici d’une Frida masculinisée, forte. Son coeur semble en bonne santé, et des veines relient les deux personnages comme si ils étaient dépendants l’un de l’autre.

Dans sa main gauche, on peut remarquer un minuscule portrait : à regarder de plus près, on peut distinguer un portrait miniature de Diego, son amant puis mari, dont elle vient de divorcer. Il est représenté lorsqu’il était jeune. Le portrait est entouré par des veines provenant du coeur de Frida, ce qui pourrait paradoxalement signifier que Frida a besoin de Diego (celui qui lui a littéralement brisé le coeur) pour vivre. Ce n’est pas la première fois que Frida utilise dans ses tableaux des liens, qui semblent lui être douloureux, et dont elle se sert aussi pour exprimer sa souffrance, comme dans Autoportrait au collier d’épines et au colibri.


Autoportrait au collier d’épines et au colibri, Frida Kahlo, 1940
Huile sur toile, 62 cm x 47.6 cm

3. Explications
La Frida de gauche est désespérée d’avoir perdu son grand amour, Diego Rivera. Son coeur saigne. Sa robe blanche témoigne d’une femme mariée ; par déduction, la femme de droite est la femme divorcée, qui supporte l’éloignement avec Diego, qui est forte et qui sait faire face.
L’artiste symbolise ici le rôle vital de son mari dans sa vie, car lorsqu’il n’y a pas de portrait relié à son coeur, le sang de Frida se met à couler.
D’après le journal intime de Frida Kahlo, on sait aujourd’hui qu’elle se représentait parfois une amie imaginaire, une sorte de double d’elle-même qui était tout ce à quoi elle aspirait :  être une femme normale, forte pour son enfant, l’enfant étant ici la Frida de gauche. En effet, elle lui tient la main d’une manière qui laisserait penser qu’elle est à son chevet.

IV. Conclusion
La souffrance est omniprésente dans ce tableau, depuis le coeur écorché au ciel orageux, qui occupe les deux tiers de l’arrière-plan et qui pourrait symboliser le tourment de son esprit. 
De plus, les veines du coeur blessé faisant le tour de ses membres, on peut penser que l’artiste a encore une fois voulu peindre sa souffrance physique.
Dans ce tableau, la douleur est donc aussi bien physique que mentale.

Réponse à la problématique : Chaque élément a ici une signification, qui ramène à chaque fois à la souffrance que subit l’artiste. On peut donc bien dire que la souffrance est l’élément essentiel du tableau Les Deux Fridas.

jeudi 8 mai 2014

AUTOPORTRAIT A LA ROBE DE VELOURS de Frida Kahlo

Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée

I. Présentation
1) Le tableau
Autoportrait à la robe de velours est seulement le deuxième tableau de Frida Kahlo. Peint juste après son accident de bus (qui lui laissera des séquelles terribles), elle le confiera dans un premier temps à Diego Rivera, un célèbre peintre mexicain, qui sera plus tard son amant puis mari.

2) Une vocation
En voyant le tableau, Diego Rivera réalisa tout de suite que la jeune fille avait un don, sinon un talent certain pour la peinture. C’est lui qui la poussera à se lancer dans ce domaine et qui l’encouragera une grande partie de sa vie.

II. Description et analyse
1) Description formelle
Frida s’est peinte ici elle-même, car c’est un autoportrait. Elle s’est représentée avec un grand décolleté, plutôt osé pour une fille de 19 ans à son époque. Même si elle accentue déjà beaucoup ses sourcils, elle paraît très féminine, plus que dans les autres autoportraits qui suivront les années suivantes. La main, dans la partie inférieure du tableau, semble inviter le spectateur à la rejoindre.

2) Pourquoi Frida aurait peint ce tableau
Avant son accident, Frida et Alejandro Gomez Arias étaient amants. Mais quand elle se retrouve partiellement et temporairement paralysée, il se détourne d’elle. Ce tableau avait pour but premier de le faire revenir, en lui montrant combien elle tenait à lui et en lui disant qu’elle l’aimait encore.

3) Couleurs
L’arrière-plan très foncé fait ressortir sa peau et surtout son visage. D'après le journal intime de Frida, le bleu signifiait l’amour et la distance. Le rouge avait pour elle un rapport avec le sang. Les couleurs en elles-mêmes indiqueraient que la distance avec son amour la fait souffrir.

III. Liens
1) Portrait d'Anna Zborowska, Modigliani

Portrait d'Anna Zborowska, 1918, Modigliani
Huile sur toile, 55 cm x 35 cm
Galerie Nationale d'Art Moderne, Rome
Autoportrait à la robe de velours, Frida Kahlo, 1926
Huile sur toile, 78.7 cm x 58.4 cm, collection privée



























On peut aisément faire le rapprochement entre les deux tableaux ci-dessus. Les deux personnages présentent tous les deux des visages ayant une forme ovale parfaite, deux yeux rapprochés, des décolletés plongeant et surtout, deux cous très allongés, qui étaient d'ailleurs une sorte de marque de fabrique pour Modigliani.

IV. Conclusion
Si Frida peint ce tableau, c'est aussi une forme de cadeau de rupture pour son ancien amant qui ne reviendra pas. Elle se peint belle et mystérieuse, désormais inaccessible. Elle épouse finalement Diego Rivera trois ans plus tard, le 21 août 1929.

dimanche 6 avril 2014

LA COLONNE BRISÉE de Frida Kahlo

La colonne brisée, Frida Kahlo, 1944
Huile sur bois aggloméré, 40 cm x 35 cm, Musée de Mexico


I. Présentation
La colonne brisée est un autoportrait de l’artiste mexicaine Frida Kahlo, peint en 1944, alors que les douleurs permanentes qu’elle subit depuis son accident de bus en 1925 s’intensifient. Elle est désormais obligée de porter un nouveau corset, en fer et non plus en plâtre, qui la fait encore plus souffrir.
En plus de souffrir physiquement, elle doit subir les infidélités répétées de son mari Diego Rivera, et leur couple se brise une nouvelle fois.

II. Description et analyse
1. Description
Au premier plan, on peut voir Frida Kahlo, à moitié nue. Son buste est ouvert en deux, pour que l’on puisse voir l’intérieur, où se situe une colonne ionique grecque, brisée en six endroits (en Grèce, on s’en servait pour soutenir les monuments). Une multitude de clous sont fixés sur tout son corps ; on en dénombre 56.
Ses sourcils sont accentués, et font ressortir ces yeux d’où s’échappent des larmes.
A l’arrière-plan, on peut voir un champ désertique qui est lui aussi fendu en plusieurs endroits. On peut noter que la démarcation entre le champ et le ciel bleu se fait au niveau de sa tête.

2. Description géométrique
Le personnage principal occupe plus de la moitié du tableau. Son corset et la démarcation forment des lignes horizontales, parallèles entre elles pour certaines. Elles sont coupées par une ligne verticale qui leur est perpendiculaire, la colonne. La colonne pourrait elle-même être parallèles aux lignes verticales que forment les clous.

3. Analyse
On peut considérer ce tableau comme étant un écorché de ses souffrances. Les larmes, les clous et le corset la représentent.
Avec la colonne ionique qui la traverse, Frida a voulu montrer que comme les monuments anciens, elle avait besoin d’être soutenue. Comme la colonne est cassée en plusieurs endroits, on pourrait penser que Frida est tout près de tomber et de s’effondrer. Elle est donc uniquement retenue par son corset.
Les clous, plantés un peu partout sur son corps, pourraient désigner tous les endroits où elle souffrait au fur et à mesure qu’elle peignait. 
Cependant, elle garde la tête haute, comme si elle avait décidé de prendre sur elle et d’endurer ce supplice toute seule. Les larmes témoignent de sa tristesse, le champ désertique de sa solitude, même si l’on pourrait penser qu’il pourrait représenter son infertilité (en effet, Frida Kahlo ne peut plus avoir d’enfants depuis son accident de bus).

4. Référence biblique
On peut voir dans ce tableau plusieurs références au Calvaire qu’a subi le Christ avant d’être crucifié. 

En effet, l’angle que font la colonne et le haut du corset pourrait rappeler une croix, comme si Frida était sur son Chemin de Croix. Les clous qui la transpercent de toutes parts pourraient nous laisser penser qu’elle est déjà crucifiée. Enfin, le drap blanc qui la cache partiellement pourrait rappeler le Saint-Suaire que portait le Christ au moment d’être crucifié, comme dans le tableau de Grünewald.

Partie du polyptyque Retable d'Issenheim, 1512-1516, Grünewald