vendredi 16 décembre 2016

MASSACRE EN CORÉE, de Picasso

Massacre en Corée, Pablo Picasso, 1951
Huile sur contreplaqué, 110 cm x 210 cm, Musée Picasso, Paris (France)


I. Présentation
1) L'oeuvre
Massacre en Corée est un tableau peint par Pablo Picasso en 1951. L’oeuvre mêle le cubisme et l’expressionnisme.

2) Contexte
Le tableau est peint en 1951, quelques mois après le début de la Guerre de Corée (juin 1950 - juillet 1953). La Corée du Nord, soutenue par la Chine et l’URSS, et opposée à la Corée du Sud, soutenue par les Nations Unies. A la fin de la guerre, un million et demi de morts. Ce sont les populations civiles qui ont été particulièrement touchées, à cause, entre autres, des nombreux bombardements. Picasso dénonce les violences subies par les civils, et peint ce tableau pendant que la guerre est encore en cours.

II. Description et analyse
1)Le camp de gauche



Il est entièrement composé de femmes et d’enfants, nus, sans armes, ce qui fait d’eux des êtres vulnérables et sans moyen de défense. Les formes sont plutôt arrondies, les femmes sont enceintes : ces personnages incarnent la vie. Ceux du second plan ne semblent pas conscients de ce qui est en train d’arriver, contrairement à ceux du premier plan dont les visages sont tordus de terreurs. Ces civils incarnent les victimes innocentes des combats. 
Les deux camps sont séparés par un fleuve : il représente la frontière établie entre Corée du Nord et Corée du Sud, ou alors, plus pertinemment, une frontière qui sépare les victimes des bourreaux.

2) Le camp de droite



Il est composé de soldats, menaçants, imposants, armés. Ils pointent leurs fusils à l’encontre du groupe de femmes et d’enfants. Si les femmes sont peintes avec des courbes, les soldats sont très carrés, faits de lignes droites. La composition antithétique du tableau oppose la vie à l’anéantissement. L’arrière-plan représentant des maisons en ruines, suggère leur passage dans la ville qu’ils ont déjà détruite.
Fait surprenant, Picasso les a représenté avec des fusils et des casques de chevaliers. Les soldats deviennent alors allégorie de la violence sur les civils, perpétrée à travers les siècles, autant au Moyen-Âge (les casques) que de nos jours (les fusils).
Le soldat situé à l’extrême-droite du tableau brandit un glaive le dos tourné au spectateur. Si le glaive pointe les femmes, c’est pour signifier l’ordre d’attaquer ; si l’homme tourne le dos, c’est pour signifier qu’il rejette cette responsabilité. On pourrait voir en lui une allégorie du pouvoir politique, prenant des décisions à distance sans s’impliquer.

3) Les couleurs
Les couleurs employées sont froides : vert, noir et gris dominent, de même que dans Guernica, un autre tableau de Picasso. Délavées, elles servent à mieux représenter la peur et la désolation. On remarque que les couleurs des soldats sont plus sombres que celles utilisées pour peindre les femmes, d’autant plus que la source de lumière du tableau éclaire les victimes et les met en évidence. 
Les couleurs contribuent à la désincarnation des soldats, voire leur déshumanisation. Les reflets métalliques sont en effet présents sur les armes et les casques, ce qui les met en valeur et indique ainsi la seule fonction du camp de droite : tuer.

III. Liens
Tres de Mayo, de Goya

Tres de Mayo, Francisco de Goya, 1814
Huile sur toile, 268 cm x 347 cm, Musée du Prado, Madrid (Espagne)

Les similitudes tiennent à la composition du tableau. D’un côté un homme, éclairé, prêt à être exécuté, et de l’autre côté des soldats, de dos. L’expression de peur sur le visage de la victime rejoint celles sur les visages des femmes dans le tableau de Picasso. Bien que la scène se déroule en pleine nuit, les couleurs employées restent les mêmes.
Il est très probable que Picasso se soit inspiré de cette oeuvre de Goya pour peindre Massacre en Corée.

IV. Conclusion
Dans une démarche pacifiste, Picasso dénonce le massacre des civils lors de guerres opposant des puissances avec autant d’armement. 

En 1951, Picasso est membre du PCF, le Parti Communiste Français. Les soldats dénonceraient alors l’impérialisme américain, le camp opposé aux Soviétiques, et plus généralement la situation de Guerre Froide, qui mène à ces massacres.


mardi 30 décembre 2014

PORTRAIT DE MADAME MATISSE A LA RAIE VERTE, de Henri Matisse

Portrait de Madame Matisse à la Raie Verte, Henri Matisse, 1905
Huile sur toile, 42.5cm x 32.5cm, Statens Museum for Kunst, Copenhague

I. Présentation
1) L’œuvre
La Raie Verte est un tableau peint par Henri Matisse en 1905. Il représente la femme du peintre, Amélie Matisse. Ce tableau s’inscrit dans le courant artistique du fauvisme.

2) Contexte
Le tableau est exposé pour la première fois en 1905 au Salon d’Automne, à Paris. Très peu apprécié à sa sortie, la peinture est exposée dans ce qui sera finalement appelé «la cage aux fauves». Ce surnom, «fauve», est dû au critique d’art Louis Vauxcelles, très influent au début du XXème siècle. Ce dernier dira donc «C’est Donatello parmi les fauves.» et qualifiera ces tableaux de «pots de peinture jetés à la figure du public».
Tentant de discréditer le fauvisme à l’époque, il lui donnera, cependant, le nom qu’on connaît aujourd’hui.

I. Description et analyse
1) Le modèle
Ce tableau est le portrait de la femme de Matisse. Avec son chignon et son habit, on pourrait lui prêter une inspiration japonaise, ce qui n’est pas un hasard, Matisse s’étant inspiré d’estampes japonaises pour faire le tableau. Bien que sa tête soit de face, elle ne regarde pas le spectateur mais semble fixer un point de le vide. Une impression de calme se dégage de son portrait. Ici, Matisse a enlevé le maximum de détails.

2) Les couleurs
Les couleurs sont ici l'intérêt principal du tableau. Ce sont elles qui ont choqué le public très conservateur à l’époque, car elles sont différentes du ton local.
La raie verte, qui donne son nom au tableau, permet de scinder l’œuvre en deux : à gauche, on trouve une partie dite «chaude» de part ses couleurs qui sont le jaune et le rouge, principalement. A droite, on trouve une partie dite «froide», étant donné que les couleurs sont plus tournées vers le bleu sombre et le vert.
Ici, Matisse n’a plus besoin de définir les contours, mais joue plus sur les couleurs pour créer des formes et une certaine profondeur. Par exemple, le rouge et le vert, qui sont deux couleurs complémentaires, lui permettent de créer une perspective au niveau du menton. Autre exemple : le trait vert qui s’affine un peu et deux tâches plus sombres permettent à Matisse de créer un nez.
Ce tableau est un véritable disque chromatique : le rouge de la robe renvoie au vert du fond, le violet renvoie au jaune et le bleu renvoie au orange. Toutes ces couleurs-là sont complémentaires. Le tableau est au final, très géométrique. Grâce à un jeu d’ombres, Matisse nous donne l’impression que les couleurs chaudes (les couleurs de gauche), sont plus proches de nous.

Des objectifs
Peindre ce tableau à l’époque était quelque chose de très osé. Matisse, considéré comme le chef de file du fauvisme, ainsi que les autres artistes fauves, peignent pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il semble évident qu’ils cherchent à rejeter l’art «classique et traditionnel» de l’époque. Ils sont à la recherche de nouvelles façons de peindre. D’autres part, les «fauves» emploient des couleurs pures qui, souvent différentes du ton local, traduisent plutôt ce qu’ils ressentent plutôt que la réalité.
Par exemple, dans ce tableau, Matisse peint sa femme avec des couleurs chaudes principalement, comme pour montrer ce qu’il ressent envers elle.

III. Liens
1) La Femme au Chapeau, Henri Matisse

La Femme au Chapeau, Henri Matisse, 1905
Huile sur toile, 80.6cm x 59.7cm, Museum of Modern Art, San Francisco
Exposé au même Salon d’Automne en 1905, cet autre tableau de Matisse représente encore une fois la femme de ce dernier en couleurs vives. Très semblable à La Raie Verte, et plus connu, ce tableau a
été un des plus visés par les ennemis du fauvisme en cette année.
D’autre part, un article sur ce tableau est déjà présent sur ce blog ; je vous invite donc à le retrouver ici (cliquez, c’est un lien)

2) Bateaux Dans le Port de Collioure, André Derain

Bateaux dans le port de Collioure, André Derain, 1905
Huile sur toile, 72cm x 91cm, Collection privée
Ce tableau, d’un artiste contemporain de Henri Matisse, a été aussi exposé au Salon d’Automne 1905 dans la salle «fauve». Ce tableau est l’exemple même du fait que les artistes fauves peignent avec des couleurs qui désignent ce qu’ils ressentent. Par exemple, on pourrait penser que le sable rouge évoque pour Derain quelque chose de chaud.

IV. Conclusion

Ce tableau, très controversé à l’époque, est un des premiers de ce qui s'appellera plus tard le «mouvement fauve». 

lundi 29 décembre 2014

AUTOMAT, de Edward Hopper

Automat, Edward Hopper, 1927
Huile sur toile, 71.5cm x 91.5 cm, Des Moines Art Center, Iowa (Etats-Unis)
I. Presentation
1) L’œuvre
Automat est un tableau peint Edward Hopper en 1927. Ce tableau appartient au courant du réalisme américain.

2) Contexte
Les années 1920-1930 sont très propices au marché de l’art, qui se développe considérablement aux Etats-Unis. Dans cette «fièvre de l’art», on retrouve Hopper, et son réalisme silencieux et mélancolique. Dans tous ses tableaux, certains thèmes sont récurrents, comme l’isolement, des humains qui regardent mélancoliquement quelque chose ou encore des petites villes très américaines.

II. Description et analyse
1) La femme
Seul personnage humain du tableau, une femme est assise à une table. Son regard est fixé sur sa tasse de café. Elle porte un chapeau et un manteau en fourrure, qui semblent, un peu comme elle, «fatigués». En effet, les deux vêtements ne vont pas ensemble et le chapeau tombe des deux côtés de sa tête.
Il n’y a pas d’autres présence qu’elle, pas d’amis ni d’autres clients, ni même de serveur, étant donné qu’elle se trouve dans un «automat», ces restaurants qui donnent automatiquement entrées, desserts et boisson par le biais de la machine...

Le titre du tableau est donc ambigü : il peut faire référence à l’endroit où se déroule la scène, mais il peut aussi appeler à faire le rapprochement entre la femme et un automate, comme si elle en était elle-même devenu un.
Le peintre nous amène à nous demander comment la femme en arrivée ici. Le fait qu’elle n’ait enlevé qu’un seul gant laisse supposer qu’elle est pressée, cependant que l’assiette vide posée devant elle et la tasse laissent penser qu’elle est là depuis longtemps.
C’est la femme de Hopper qui a servi de modèle. Comme elle était plus vieille que ce qui était recherché pour le modèle, Hopper a altéré ses traits en la peignant.

2) Le décor
Le restaurant est ici entièrement vide, à l’exception de la femme ; et pourtant, le peintre a choisi de mettre en évidence une chaise vide en face du modèle. Il rappelle encore une fois qu’elle est seule. La coupe de fruit, qui tranche de par ses couleurs vives, semble être la seule trace de vie de toute la pièce.
La femme a gardé son manteau, son chapeau et ses gants, ce qui pourrait signifier d’une part, que le petit radiateur sur le côté ne suffit pas à la réchauffer, et d’autre part que nous sommes en hiver. Le froid qui se dégage du tableau rend la femme encore plus vulnérable.
A l’instar de nombreuses peintures de Hopper, aucune porte n’est visible. La femme semble coincée dans sa douleur. Seule une grande baie vitrée est visible, ce qui ressemble aussi beaucoup à d’autres tableaux de Hopper, comme Noctambules. Grâce au reflet de la vitre, Hopper fait disparaître l’immense étendue noire de la nuit en se faisant refléter toutes les lampes de l’automat.

Noctambules, Edward Hopper, 1942
Huile sur toile, 84.1cm x 152.4 cm, The Art Institute, Chicago
3) Le spectateur
A travers sa peinture, Hopper cherche à amener chez le spectateur de la pitié pour cette femme, seule le soir, perdue dans ses pensées.
On peut d’ailleurs noter que par choix du peintre, la femme reflète les lampes à l’intérieur, et ne laisse rien paraître de la nuit : pourtant, les rues de grandes villes comme New York sont toujours éclairées et lumineuses le soir. Encore une fois, Hopper semble vouloir attirer la compassion pour la femme, et amener le spectateur à réfléchir sur sa situation à elle, et non pas sur ce qu’il se passe à l’extérieur.


III. Liens
1) Sunlight in a Cafeteria, de Edward Hopper

Sunlight in a Cafeteria, Edward Hopper, 1958
Huile sur toile, 102.2cm x 152.7 cm, Yale University Art Gallery, New Haven (Connecticut)

Ce tableau de Hopper, peint trente ans après Automat, semble être son exact contraire. Là où tout était très sombre, la lumière transperce les vitres. La femme est toujours représentée tenant une tasse, mais ses vêtements laissent supposer que l’on est maintenant en été. Elle n’est plus toute seule dans le bar -la sensation produite n’est plus la même. Ici, elle semble plus attendre quelqu’un.
Même la coupe de fruit a trouvé son alter-égo dans ce tableau, où elle est remplacée par une plante en bordure de fenêtre. La femme ne semble plus enfermée, mais ouverte au monde ; on peut d’ailleurs noter qu’on voit à travers la rue cette fois-ci.

2) Tableaux similaires

La Prune, Edouard Manet, 1877
Huile sur toile, 73.6cm x 50.2cm, National Gallery of Art, Washington


L'absinthe, Edgar Degas, 1875-1876
Huile sur toile, 92cm x 68cm, Musée d'Orsay, Paris

IV. Conclusion

Automat est un tableau typique de Hopper, qui est aussi un exemple de l’aliénation urbaine, c’est à dire, dans ce cas là, d’un endroit possédé par la machine et absent de trace de vie.

dimanche 28 décembre 2014

L'HÔPITAL HENRY FORD, de Frida Kahlo

L'hôpital Henry Ford, Frida Kahlo, 1932
Huile sur métal, 32.5cm x 40.2cm, Musée Dolores Olmedo, Mexique

I. Présentation 
1) L’œuvre
L’hôpital Henry Ford ou Le Lit Volant est un autoportrait peint par Frida Kahlo en 1932. Ce tableau traduit la souffrance que ressent la peintre lorsqu’elle apprend qu’elle ne pourra jamais plus avoir d’enfant.

2) Contexte
Agée de 18 ans, Frida Kahlo subit un accident de bus qui lui laissera des séquelles considérables. Son abdomen est transpercé par une barre de métal, qui ressort par le vagin. C’est cet accident qui l’empêchera plus tard d’avoir des enfants avec son mari, Diego Rivera. 
En 1932, elle vient de faire sa première fausse couche. Elle peint ce tableau depuis son lit d’hôpital, la même semaine.

II. Description et analyse
1) Frida et le décor
Frida Kahlo s’est représentée elle-même sur un lit d’hôpital qui semble flotter dans les airs, entièrement nue, gisant dans des draps tachés de sang. Elle le seul personnage vivant du tableau et est peinte beaucoup plus petite que l’espace disponible ; c’est pour elle une manière de se représenter seule dans sa douleur. Sur sa joue, on distingue une larme blanche : elle semble souffrir en silence, dignement.
Derrière elle s’étendent des usines, univers inhospitalier d’Amérique, loin de son Mexique natal qui lui manque. Seule dans cette immense plaine, elle se représente perdue.

2) La première rangée de liens



Frida tient dans sa main gauche des fils rouges, sortes de liens avec elle-même. Au-dessus d’elle, sont peints trois éléments.
Au centre, se trouve son fœtus mort, qu’elle appelera «Dieguito» (soit «Petit Diego» en espagnol, en référence à son mari Diego Rivera). Son enfant est cependant représenté bien formé et vivant, ce qui n’est pas le cas dans la vraie vie : on lui remettra son bébé dans un pot, les différentes parties de son corps n’étant pas sorties en même temps. Pour le peindre, Frida a pris exemple sur une illustration dans un livre. Le lien qui relie le fœtus à sa mère est son cordon ombilical.
A gauche, Frida Kahlo a peint une «coupe» de corps de femme. Elle dit que c’était un moyen pour elle d’expliquer comment marchait un accouchement, et en l'occurrence, de montrer pourquoi cela n’avait pas été possible. Elle semble faire de son bassin la principale cause pour laquelle elle ne peut plus avoir d’enfants. Tous les autres objets sont reliés, à l’instar du fœtus, par liens qui semblent être des cordons ombilicaux. Ce sont donc des facteurs de sa grossesse, des prolongements de sa fausse-couche.
Enfin, à droite, un escargot est peint. L’artiste dira que c’était pour dépeindre la lenteur de sa fausse couche, interminablement longue et pénible.

3) La deuxième rangée de liens


Dans la partie inférieure du tableau sont représentés trois autres éléments.
A gauche est peint une machine, part importante de sa grossesse, qui dépeint l’impersonnalité du service hospitalier et la sensation d’être seule face à une machine.
Au milieu, Frida Kahlo a peint une orchidée, qui est un cadeau que lui a fait Diego Rivera, son mari, lorsqu’elle était à l’hôpital. Si Frida accouche aux Etats-Unis et non pas au Mexique comme elle l’aurait voulu, c’est parce qu’elle a voulu suivre son mari qui devait peindre une œuvre dans ce pays. L’orchidée rappelle alors qu’elle n’oublie pas son mari (c’est d’ailleurs la seule trace que le tableau porte de lui, en plus du bébé qui est le sien).
A droite, un bassin fracturé est peint : faisant échos à la coupe de bassin au rang supérieur, il montre une nouvelle fois les raisons pour laquelle Frida ne pourra jamais avoir d’enfant.
On peut noter que les différents éléments semblent aller deux par deux : les deux représentations de bassin pour expliquer les raisons pour lesquelles elle ne peut pas accoucher, le fœtus et l’orchidée qui rappellent son mari Diego Rivera et l’escargot et la machine, pour symboliser la lenteur et la dureté du processus de sa grossesse et de sa fausse-couche.

III. Liens
1) Naissance ou Ma Naissance, de Frida Kahlo

Ma naissance, Frida Kahlo, 1932
Dans ce tableau peint peu après L’hôpital Henry Ford, Frida Kahlo réutilise son expérience de sa fausse-couche pour peindre ce qui semble être sa naissance à elle. Cela pourrait encore une fois être un moyen pour elle de se libérer de ce souvenir qui la hante.

2) L’industrie de Detroit, de Diego Rivera

L'Industrie de Detroit, Diego Rivera, 1932-1933
Peinture murale, Detroit

Cette fresque, aussi appelée L’Homme et la Machine, est contemporaine au tableau de Frida et pour cause : c’est la fresque peinte par Diego Rivera pendant que sa femme était à l’hôpital. C’est pour peindre cette fresque que Rivera emmène sa femme jusqu’aux Etats-Unis.
D’autre part, les usines dont s’est inspiré Diego Rivera appartiennent surtout à un certain Henry Ford... Le même que celui qui a donné son nom à l’hôpital dans lequel est internée Frida.

IV. Conclusion

Peint peu de temps après sa fausse-couche, ce tableau est un moyen pour Frida Kahlo de d’éloigner d’elle la douleur qu’elle ressent. Cet autoportrait est un des plus durs jamais peints par l’artiste.

samedi 27 décembre 2014

LA DANSE, de Roy Lichtenstein

The Artist's Studio : La Danse, Roy Lichtenstein, 1974
Huile sur toile, 244, 3cm x 325, 5cm, Museum of Modern Art, New York

I. Présentation
1. L’oeuvre
La Danse est un tableau peint par Roy Lichtenstein en 1974. Il fait partie de la série de quatre tableaux «The Artist’s Studio», peinte par Roy Lichtenstein dès 1973. Le tableau représente un atelier de peintre avec plusieurs tableaux non-achevés posés contre les murs. Le plus grand des tableaux, à l’arrière-plan, est une citation de Nature Morte à la Danse d’Henri Matisse.

2. Contexte
Cette citation de Matisse aurait été pour Roy Lichtenstein une manière de lui rendre hommage. D’un autre côté, on pourrait penser que Lichtenstein a cherché à «rendre accessible» à la culture populaire un chef-d’œuvre en le peignant de manière plus simple.


II. Comparaison avec Matisse 

Nature Morte à la Danse, Henri Matisse, 1909
Huile sur toile, Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg

1. Les plans et les objets
La première chose qui saute aux yeux en comparant les deux tableaux, c’est que tous les plans ont été changés. On peut observer un aplatissement de la première peinture, tous les plans ont été rapprochés. D’un autre côté, on peut observer que les objets sur la table ne sont plus les mêmes non plus. 
Du pot de fleur posé sur le tapis de Matisse, il ne reste qu’une petite fleur qui dépasse derrière ce qui semble être des lanières de toile. Des pots à pinceaux, une bouteille et une tasse de café sont apparus. Seuls les citrons demeurent : ils sont présents dans les deux toiles et sont aisément reconnaissables.
On pourrait penser que Matisse a cherché à peindre un atelier d’artiste qui y ressemblerait vraiment : des déchets, des tasses de café, des pinceaux ; il prend des libertés par rapport à l’atelier de Matisse, déchargé de tout objet superflu.

2. Les couleurs
La deuxième chose que l’on remarque est que les couleurs ont été changées. Lichtenstein réduit sa palette au rouge, au bleu, au jaune, au vert et au blanc... Et ces couleurs ne sont jamais dégradées ou fondues avec d’autres. D’ailleurs, les pinceaux présents dans les pots portent tous les mêmes couleurs.
Grâce aux couleurs, Roy Lichtenstein donne l’impression d’une case de bande-dessinée, effet renforcé par un dessin simplifié à partir de l’original.
D’un autre côté, on peut aussi noter que les couleurs de La Danse de Matisse ont été changées. C’est comme si Roy Lichtenstein avait fait une auto-citation d’une peinture de La Danse qu’il aurait lui-même réalisée auparavant en prenant pour modèle celle de Matisse.

3. La technique
Pour réinterpréter ce tableau, Roy Lichtenstein emploie des moyens qui lui sont propres comme les "points Benday" et les grands aplats de peinture vive, ainsi que les cernes noirs qui entourent les formes de ses tableaux.
Les "points Benday", peint à l’aide d’une grille métallique, permettent peut-être à l’artiste de pointer du doigt la «reproduction mécanique» de certaines choses.

III. Liens
1. Sound of Music, de Roy Lichtenstein


Sound of Music, Roy Lichtenstein, 1965
Huile sur toile, 122cm x 142cm, Gagosian Gallery, New York

Dans la partie supérieure droite du tableau de Matisse est peinte une fenêtre. Dans La Danse de Roy Lichtenstein, l’artiste pratique une auto-citation en remplaçant la fenêtre d’origine par un de ses propres tableaux, qui représente une fenêtre ouverte. L’effet d’optique pourrait donc laisser croire que Sound of Music est en réalité une fenêtre ouverte.

2. La Danse, de Matisse


La Danse, Henri Matisse, 1909
Huile sur toile, 260cm x 391cm, Musée de l'Ermitage, Saint-Petersbourg

Il existe en réalité deux versions du tableau La Danse de Matisse. Cependant, il semblerait que ce soit du tableau «fauve», aux couleurs les plus vives, dont se soit inspiré Roy Lichtenstein.

IV. Conclusion

The Artist’s Studio : La Danse est un moyen pour Roy Lichtenstein de rendre hommage à Matisse en citant son tableau Nature Morte à la Danse

mercredi 26 novembre 2014

LES MENINES, de Diego Velasquez

Les Ménines, Diego Velasquez, 1656
Huile sur toile, 3m x 2.75m, Musée du Prado, Espagne

I. Présentation
1) L’œuvre
Les Ménines (aussi connu sous le nom de Las Meninas ou La Famille de Philippe IV) est un tableau peint par Diego Velasquez en 1656. Il représente l’Infante Marguerite-Thérèse, entourée de deux ménines (ses demoiselles d’honneur) et de divers autres personnes. Le tableau est exposé au Musée du Prado. Il est endommagé lors d’un incendie en 1734, mais il est restauré peu de temps après.

2) Contexte
Lorsque le tableau est peint, l’Infante est la seule héritière au trône d’Espagne ; à cette époque, toute la partie gauche du tableau était cachée par un grand rideau rouge. Un garçon tendait un bâton de commandement à Marguerite-Thérèse, faisant de ce tableau une scène symbolique en représentant la passation de pouvoir à l’enfant sous les yeux des parents (visibles dans un miroir au fond de la salle).
Cependant, l’année 1657 amène un nouvel héritier mâle au trône d’Espagne, d’autant plus que l’enfant ne meurt pas prématurément. Ainsi, sous les ordres de Philippe IV, Diego Velasquez est amené à remplacé le bâton de commandement : il se représente donc lui-même en train de peindre le couple royal, que l’on peut toujours voire reflété dans le miroir.

II. Description et analyse
1) La structure du tableau
Le tableau est divisé en quarts de manière horizontale. Si les personnages sont nombreux, ils n’occupent cependant que la moitié inférieure du tableau. Les personnages sont représentés en perpective : il n’y a qu’un seul point de fuite. On peut compter sept zones de profondeur dans le tableau. La lumière provient de la droite, et éclaire l’Infante, permettant ainsi d’en faire le personnage principal du tableau.
A l’arrière-plan, on peut observer les réflexions du Roi et de la Reine dans un miroir. Il pourrait s’agir, d’une part, de la réflexion du tableau qu’est en train de peindre Velasquez, ou bien, d’autre part, du Roi et de la Reine eux-mêmes qui posent pour Velasquez. Dans tous les cas, leur présence donne un aspect solennel au tableau ; ils se contentent de contempler la scène, tout comme le spectateur.

2) Les personnages
a) L’Infante et ses Ménines


Ces trois personnages là sont les plus éclairés du tableau, la lumière les visant directement. Cependant, même si la lumière vient frapper la joue de la ménine de droite, son visage et ses vêtements restent sombres, au contraire de l’Infante qui semble renvoyer la lumière. Elle est donc bien le personnage principal, mis en évidence par le jeu de luminosité. Les deux ménines, quant à elles, semblent se réfléchirent l’une et l’autre.

b) Le nain, la naine et le chien

Ces trois personnages là forment un groupe sans grande importance dans le tableau. A l’époque, les nains étaient utilisés pour divertir les nobles, comme ici pour la famille royale. Leurs visages et habits restent flous et sombres.





c) Le peintre



Diego Velasquez s’est donc représenté lui-même lors de la modification engendrée par la naissance d’un nouvel héritier. Il porte sur son torse la croix rouge caractéristique de l’ordre de Santiago, qu’il ne recevra pourtant qu’en 1959, soit trois ans après l’achèvement du tableau. Elle aurait donc été rajoutée après coup, peut être même par quelqu’un annexe après la mort du peintre. Velasquez, ainsi que la naine, fixent tous les deux le Roi et la Reine, ou bien le spectateur, créant une sorte de tension visuelle.




d) La chaperonne et le garde

En cinquième zone de profondeur, on retrouve une chaperonne et un garde. Ils représenteraient à eux deux les alter-ego du Roi et de la Reine, comme les deux ménines qui se réfléchissent. Ils occupent en effet les mêmes fonctions que les souverains : veiller et protéger l’Infante. Leurs visages sont sombres et peu éclairés.

e) Nieto Velasquez



En septième zone de profondeur se trouve un homme. Il est bien rendu visible à cause du contraste entre ses habits noirs et la lumière derrière lui, mais son visage est incertain, flou, trop sombre. Cet homme paradoxal, à la fois visible et caché, serait un parent de Diego Velasquez. Il tient dans sa main une poignée de porte, et montre derrière lui une pièce vide.





III. Liens
1) Las Meninas, de Pablo Picasso

Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne
Las Meninas, Pablo Picasso, 1957
Musée Picasso, Barcelone, Espagne

Las meninas est une série de 58 tableaux peints par Pablo Picasso en 1957, soit 300 ans après l’œuvre originale. Il interprète alors le tableau de beaucoup de manières différentes, jouant sur les décompositions des faces. Picasso était connu pour être un admirateur de Velasquez ; il légua d'ailleurs l'intégralité de ses peintures au Musée de Barcelone.
Dans les tableaux, les couleurs sont tour-à-tour variées ou bien monochromes.

2) Les Epoux Arnolfini, de Jan Van Eyck

Les Epoux Arnolfini, 1434, Jan Van Eyck
Huile sur chêne, 82cm x 60cm, National Galery, Londres, Angleterre

Il est très probable que Velasquez se soit inspiré de ce tableau, tout particulièrement en ce qui concerne le miroir rond placé à l’arrière du tableau. Dedans y sont reflétés les deux époux et le peintre, qui ne peint pas mais fait office de témoin dans ce mariage des époux Arnolfini.
Le tableau est d’ailleurs remplis de symboles autour du thème du mariage : le chien pour la fidélité, le fruit pour le péché originel ; le lustre, dont une seule bougie est allumée, est symboliquement la présence divine.
De plus, il semblerait que le tableau ait longtemps été accroché au palais de Philippe IV, notamment durant la période ou Velasquez peignait Les Ménines.

IV. Conclusion

Les Ménines est considéré comme un chef-d’œuvre de la peinture espagnole ; aujourd’hui, Diego Velasquez en est un des principaux représentants. Il est toujours considéré comme l’un des maîtres de la peinture universelle.

dimanche 2 novembre 2014

HORS-SÉRIE : NIKI DE SAINT PHALLE



I. Biographie succinte
1) Des débuts peu communs
Nana, Niki de Saint Phalle, sculpture.
Niki de Saint Phalle est une sculptrice, peintre, plasticienne et réalisatrice française née le 29 octobre 1930 et morte le 21 mai 2002 à l’âge de 71 ans.
Elle n’a jamais suivi de formations ni d’apprentissages artistiques. S’inspirant de plusieurs courants de peinture, elle commence à peindre en 1952 selon ses propres méthodes et son propre point de vue. Elle est, durant cette période, enfermée dans un hôpital psychiatrique suite à une grave dépression. Elle dira elle-même : «J’ai commencé à peindre chez les fous.»
Niki est particulièrement connue pour ses séries de tableaux Tirs, et ses sculptures monumentales Nana.

2) Un nouveau courant artistique

Dès 1961, elle rejoint le mouvement du Nouveau Réalisme, fondé par Yves Klein en 1960. Ce mouvement est considéré comme une version française du Pop Art américain, et met en avant le retour à la réalité et l’objet comme matériau, à l’instar des ready-made de Marcel Duchamp.

II. La peinture et les créations plastiques
1) Tir à la carabine
C’est sa manière peu particulière de peindre qui a permis à Niki de se faire connaître dès 1960. Elle suivait toujours le même rituel, parfois accompagnée d’autres artistes.
Pour réaliser son œuvre, elle plaçait dans un endroit abandonné, un terrain vague, au fond d’une cour, une toile peinte en blanc à laquelle était accroché des poches pleines de peinture, de shampoing, ou d’autres substances du même genre. A une certaine distance, et souvent habillée de blanc, elle tirait à la carabine sur les sacs, de manière à ce que les substances se déversent sur la toile.


Peinture au fusil par Niki de Saint Phalle


Elle dira elle-même qu’elle s’imaginait la peinture en train de couler comme du sang coulerait d’un homme blessé. Elle ne tirait par sur une toile, mais sur le Mal. C’était un meurtre sans victime et son geste, aux premiers abords destructeur, devenait créateur.

2) Une enfance marquée
Si elle utilisait cette manière aussi particulière de créer, c’était pour se venger de profondes blessures qu’elle avait subies. En effet, c’est seulement à l’âge de soixante-quatre ans, dans son livre parut en 1994 intitulé Mon Secret, qu’elle révèle qu’elle avait été violée par son père à onze ans. En premier lieu, son travail lui permettait de purger toute la colère et la tristesse qu’elle ressentait à l’époque et d’exprimer son indignation face aux injustices faites sur les personnes innocentes.

III. Présentation d'œuvres
1) Portrait of my lover

Portrait of my lover, 1961, Niki de Saint Phalle
Une de ses œuvres les plus connues, Portrait of My Lover, fait partie de sa série de peinture-arts plastiques Tirs. Pour le réaliser, elle a assemblé sur une toile une chemise volée à un amant plutôt insistant dont elle essayait de se débarrasser et, à la place de la tête, une cible où les visiteurs étaient sensés devoir tirer.

2) Autel du chat mort


Autel du chat mort, peinture et sculpture, 1963
Niki de Saint Phalle

Ce qui est très intéressant chez Niki de Saint Phalle, c’est que dans chaque œuvre elle cherchait à créer de nouvelles formes, de nouvelles couleurs, de nouveaux arrangements entre les différents objets qui formait au final son œuvre. Elle ne s'arrêtait de tirer que lorsqu'elle jugeait que le résultat obtenu était beau.

Autel du chat mort est une de ses créations les plus sombres. Elle est faite d'un autel, au centre duquel on trouve la Vierge Marie. La peinture rouge qui a dégouliné fait penser à du sang. Sur une des parois, un chat est accroché. Cette œuvre l'amènera à se poser de grandes questions à propos d’elle-même et de son travail. Ainsi, elle déclarera : «La peinture était la victime, mais QUI était la victime ? Papa ? Tous les hommes ? Les petits hommes ? Les grands hommes ? Les gros hommes ? Les hommes ? Mon frère John ? Ou alors cette peinture, c’était MOI : est-ce que je me tirais dessus selon un rituel qui me permettait de mourir de ma main et de renaître ? J’étais immortelle !... Je tirais sur moi-même, sur la société et ses injustices. Je tirais sur ma propre violence et sur toutes les violences de tous les temps. En tirant sur ma propre violence, je n’avais plus besoin de la porter avec moi comme un poids...»

Elle jugeait donc qu'en tirant sur "elle-même", elle vengeait toutes les autres personnes des injustices qui pouvaient leur avoir été faites.

III. Conclusion
Pour des raisons de santé, elle s’installe définitivement à La Jolla, en Californie. Elle meurt d’insuffisance respiratoire (due aux poussières de polyester qu’elle utilisait pour ses sculptures) à l’hôpital de San Diego, aux Etats-Unis.