dimanche 6 avril 2014

LA COLONNE BRISÉE de Frida Kahlo

La colonne brisée, Frida Kahlo, 1944
Huile sur bois aggloméré, 40 cm x 35 cm, Musée de Mexico


I. Présentation
La colonne brisée est un autoportrait de l’artiste mexicaine Frida Kahlo, peint en 1944, alors que les douleurs permanentes qu’elle subit depuis son accident de bus en 1925 s’intensifient. Elle est désormais obligée de porter un nouveau corset, en fer et non plus en plâtre, qui la fait encore plus souffrir.
En plus de souffrir physiquement, elle doit subir les infidélités répétées de son mari Diego Rivera, et leur couple se brise une nouvelle fois.

II. Description et analyse
1. Description
Au premier plan, on peut voir Frida Kahlo, à moitié nue. Son buste est ouvert en deux, pour que l’on puisse voir l’intérieur, où se situe une colonne ionique grecque, brisée en six endroits (en Grèce, on s’en servait pour soutenir les monuments). Une multitude de clous sont fixés sur tout son corps ; on en dénombre 56.
Ses sourcils sont accentués, et font ressortir ces yeux d’où s’échappent des larmes.
A l’arrière-plan, on peut voir un champ désertique qui est lui aussi fendu en plusieurs endroits. On peut noter que la démarcation entre le champ et le ciel bleu se fait au niveau de sa tête.

2. Description géométrique
Le personnage principal occupe plus de la moitié du tableau. Son corset et la démarcation forment des lignes horizontales, parallèles entre elles pour certaines. Elles sont coupées par une ligne verticale qui leur est perpendiculaire, la colonne. La colonne pourrait elle-même être parallèles aux lignes verticales que forment les clous.

3. Analyse
On peut considérer ce tableau comme étant un écorché de ses souffrances. Les larmes, les clous et le corset la représentent.
Avec la colonne ionique qui la traverse, Frida a voulu montrer que comme les monuments anciens, elle avait besoin d’être soutenue. Comme la colonne est cassée en plusieurs endroits, on pourrait penser que Frida est tout près de tomber et de s’effondrer. Elle est donc uniquement retenue par son corset.
Les clous, plantés un peu partout sur son corps, pourraient désigner tous les endroits où elle souffrait au fur et à mesure qu’elle peignait. 
Cependant, elle garde la tête haute, comme si elle avait décidé de prendre sur elle et d’endurer ce supplice toute seule. Les larmes témoignent de sa tristesse, le champ désertique de sa solitude, même si l’on pourrait penser qu’il pourrait représenter son infertilité (en effet, Frida Kahlo ne peut plus avoir d’enfants depuis son accident de bus).

4. Référence biblique
On peut voir dans ce tableau plusieurs références au Calvaire qu’a subi le Christ avant d’être crucifié. 

En effet, l’angle que font la colonne et le haut du corset pourrait rappeler une croix, comme si Frida était sur son Chemin de Croix. Les clous qui la transpercent de toutes parts pourraient nous laisser penser qu’elle est déjà crucifiée. Enfin, le drap blanc qui la cache partiellement pourrait rappeler le Saint-Suaire que portait le Christ au moment d’être crucifié, comme dans le tableau de Grünewald.

Partie du polyptyque Retable d'Issenheim, 1512-1516, Grünewald

samedi 5 avril 2014

WHAAM ! de Roy Lichtenstein

Whaam !, Roy Lichtenstein, 1963
Acrylique sur toile, 170 cm x 400 cm, Tate Modern, Londres

I. Présentation
Whaam ! est à la fois une des oeuvres les plus connues de Roy Lichtenstein et un exemple typique du pop art américain. Nous sommes ici en présence d’une reproduction d’une case de bande-dessinée tirée de All American Men of War (Ross Andru, 1954).

Roy Lichtenstein a simplifié les contours au maximum.

II. Description
1. L'œuvre
L’oeuvre est composée de deux panneaux de même taille (85 cm x 200 cm chacun). Celui de gauche, représente un avion américain en train de torpiller l’avion qui se situe dans le panneau de droite, qui explose en un grand «WHAAM !»
Ici, Roy Lichtenstein respecte les les codes propres à la bande-dessinée, c’est à dire des formes simplifiées, une bulle (en haut du panneau de gauche) pour représenter ce que pense le pilote de l’avion, des lettres pour symboliser le bruit que fait l’explosion et surtout, le fait que l'image soit figée au moment le plus important de la scène qui est représentée par le dessinateur, c’est à dire pour cette oeuvre au moment de l’explosion de l’avion ennemi.
Les deux panneaux sont aussi différents au niveau de la technique de peinture employée : l’avion de droite est composé de grands aplats de peinture jaune, rouge et blanche rehaussés par des cernes noirs, tandis que l’avion de gauche est composé de minuscules petits points bleu et rouges, réalisés à l’aide d’une grille métallique perforée et appelés «points Benday».

Cette oeuvre est caractéristique du pop art américain, car les modèles utilisés étaient souvent des produits de la société de consommation, comme la bande-dessinée dans le cas de Whaam !

2. Le contexte
Même si Roy Lichtenstein avait avoué que cette oeuvre le représentait lui (à gauche) en train de torpiller son voisin trop bruyant, cette oeuvre témoigne aussi de l'intérêt (ou du dégoût) qu'il avait pour la guerre, intérêt que l’on retrouve comme d’autres oeuvres comme Takka Takka (1962) ou As I Opened Fire (1964)


Takka Takka, Roy Lichtenstein, 1962
Huile sur toile, 142.2 cm x 172.7 cm, Musée Ludwig, Cologne

As I Opened Fire, Roy Lichtenstein, 1964
Huile sur toile, 170 cm x 430 cm, Stedelijk Museum, Amsterdam


III. Conclusion

On pourrait rattacher ces tableaux à la Guerre de Corée, mais l'histoire de cette œuvre semble plus personnelle. De plus, les périodes ne se chevauchent pas entre elles, la Guerre de Corée s'étant terminée en 1953, tandis que Whaam ! est peint dix ans plus tard, en 1963.
La bande-dessinée originale, All American Men of War, pourrait par contre lui faire référence.