Les Deux Fridas, Frida Kahlo, 1939 173.5 cm x 173 cm, Huile sur toile, Musée d'Art Moderne, Mexico |
I. Présentation
Les Deux Fridas est un des nombreux autoportraits de l’artiste Frida Kahlo, peint en 1939 à la suite de la rupture entre cette dernière et son mari, Diego Rivera. Ce tableau est un double-autoportrait, ce qui est plutôt inhabituel en peinture, puisque l’artiste y est représentée deux fois. Contrairement aux autres oeuvres de l’artiste qui sont essentiellement des autoportraits, celle-ci est plus grande que les autres tableaux (173,5 x 173 cm). Nous sommes ici en présence d’un portrait en pied, c’est à dire que tous les membres des personnages sont visibles. Les deux femmes font la taille d’êtres humains réels.
II. Description et analyse
1. La Frida de gauche
Au premier plan, on peut voir les deux Fridas, qui se tiennent par la main. L’arrière-plan représente un ciel orageux.
La Frida de gauche porte une robe de mariée blanche. Son coeur, visible sur sa poitrine, est ouvert et écorché. Elle tente, à l’aide d’une pince, d’empêcher le sang qui vient d’une de ses veines de couler. Son visage est très pâle, et le sang qui coule se confond avec les motifs fleuris de sa robe ; cela pourrait signifier entre autres que l’artiste cachait ses souffrances.
2. La Frida de droite
De l’autre côté, on retrouve une Frida dans sa robe traditionnelle mexicaine. Elle prône ainsi son appartenance au Mexique, qu’elle aura revendiqué toute sa vie et dont elle est très fière. Les couleurs dominantes sont le bleu du haut de la robe, qui chez elle signifie l’amour et la distance, puis le jaune-verdâtre de la jupe, qui se rapporte à la folie. Ainsi, la robe a elle seule signifierait probablement que l’artiste, devient folle lorsqu’elle son amour, Diego Rivera, est loin d’elle. Cependant, ses jambes écartées sous sa robe et sa moustache très apparente sont le signe ici d’une Frida masculinisée, forte. Son coeur semble en bonne santé, et des veines relient les deux personnages comme si ils étaient dépendants l’un de l’autre.
Dans sa main gauche, on peut remarquer un minuscule portrait : à regarder de plus près, on peut distinguer un portrait miniature de Diego, son amant puis mari, dont elle vient de divorcer. Il est représenté lorsqu’il était jeune. Le portrait est entouré par des veines provenant du coeur de Frida, ce qui pourrait paradoxalement signifier que Frida a besoin de Diego (celui qui lui a littéralement brisé le coeur) pour vivre. Ce n’est pas la première fois que Frida utilise dans ses tableaux des liens, qui semblent lui être douloureux, et dont elle se sert aussi pour exprimer sa souffrance, comme dans Autoportrait au collier d’épines et au colibri.
3. Explications
La Frida de gauche est désespérée d’avoir perdu son grand amour, Diego Rivera. Son coeur saigne. Sa robe blanche témoigne d’une femme mariée ; par déduction, la femme de droite est la femme divorcée, qui supporte l’éloignement avec Diego, qui est forte et qui sait faire face.
L’artiste symbolise ici le rôle vital de son mari dans sa vie, car lorsqu’il n’y a pas de portrait relié à son coeur, le sang de Frida se met à couler.
D’après le journal intime de Frida Kahlo, on sait aujourd’hui qu’elle se représentait parfois une amie imaginaire, une sorte de double d’elle-même qui était tout ce à quoi elle aspirait : être une femme normale, forte pour son enfant, l’enfant étant ici la Frida de gauche. En effet, elle lui tient la main d’une manière qui laisserait penser qu’elle est à son chevet.
IV. Conclusion
La souffrance est omniprésente dans ce tableau, depuis le coeur écorché au ciel orageux, qui occupe les deux tiers de l’arrière-plan et qui pourrait symboliser le tourment de son esprit.
De plus, les veines du coeur blessé faisant le tour de ses membres, on peut penser que l’artiste a encore une fois voulu peindre sa souffrance physique.
Dans ce tableau, la douleur est donc aussi bien physique que mentale.
Réponse à la problématique : Chaque élément a ici une signification, qui ramène à chaque fois à la souffrance que subit l’artiste. On peut donc bien dire que la souffrance est l’élément essentiel du tableau Les Deux Fridas.